Depuis le premier Mad Max en 1979, le combo désert + motos + personnages musclés prêts à en découdre fait rêver l’imaginaire des amatrices de SF. Et visiblement, Marge Nantel est l’une d’entre elles, puisqu’elle applique à la lettre la recette de George Miller dans son roman Code ardant, à une subtilité près. Au lieu de caser l’histoire dans le bush australien, elle la balade des deux côtés de la Méditerranée, entre Occitanie, Catalogne, Maghreb et Sahel.
Ici, nous sommes quelques décennies après la Page blanche, événement catastrophique ayant réduit à néant (ou presque) toutes les communications Internet de l’humanité, ce qui, ajouté aux changements climatiques, sociologiques et économiques (non détaillés), a réduit l’importance des États-nations et fait que les gens vivent soit dans des Forteresses sous la protection d’un Donjon et l’autorité d’un Maître, soit sont sur les routes en tant que convoyeurs — comme Sioux, l’un des deux narrateurs et la bande à laquelle il appartient. Et oui, Marge Nantel aime visiblement beaucoup les majuscules… Suite à la destruction de la Forteresse d’Albi, Sioux et sa bande embarquent avec eux le seul rescapé du désastre et décident de retrouver qui est derrière tout ça. Au fil de cette quête, bien sûr, on en apprendra davantage sur l’envers du monde…
Avec succès ? Tout dépend de ce qu’on attend d’un livre. Si c’est de l’action avec des personnages hauts en couleur, des poursuites en motos et autos (alimentés à l’énergie solaire, mais visiblement assez peu ralentis par ce détail), un bon gros laïus sur « l’esclavage c’est mal, mais la liberté ça s’accorde pas si facilement que ça » et des personnes se déhanchant tels des danseurs pour indiquer qu’ils sont redoutablement dangereux (Suri, ça suffit, on a compris !), c’est le bon endroit. Si les incohérences géographiques ou scénaristiques vous font tiquer — aussi. La Page blanche a anéanti l’informatique, mais pour les besoins de l’histoire on retrouve des satellites connectés et des gens qui, même pas âgés de 10 ans au moment de la catastrophe, se retrouvent assez doués des décennies plus tard pour prendre la main dessus à l’arrière d’une Jeep en plein rodéo. Pour aller de la Forteresse d’Albi à celle de Barcelone, la troupe monte presque jusqu’à Aurillac et passe par Béziers, mais évite soigneusement Carcassonne dont la forteresse historique a survécu du Moyen-Âge au XXIe siècle. Plus formellement, une fois passée la première centaine de pages qui servent d’introduction au nouveau monde dans lequel évoluent les personnages, Code ardant se lit vite et est plutôt agréable, pour peu que vous trouviez ses personnages attachants. Le concept des Ardants, humains conditionnés depuis l’enfance et réduits à l’état de robots vivants programmables, est intéressant, même si l’épilogue final est trop beau pour être vraisemblable, après tout ce que l’on a appris sur cette « technologie » dans les 400 pages précédentes. De la bonne littérature de gare, à lire lors d’un voyage.