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Les critiques de Bifrost

Coeur de fer

Joël CHAMPETIER
LE BÉLIAL'
144pp - 10,52 €

Critique parue en janvier 1998 dans Bifrost n° 7

 

Premier ouvrage de la collection « Étoiles Vives » à paraître en coédition (une collection qui sera rebaptisée pour l'occasion « Bifrost/Étoiles Vives », et ce dès le prochain titre annoncé : Envahisseurs ! par Andrew Weiner en février prochain), Cœur de fer nous propose cinq textes science-fictifs, cinq nouvelles « entre hard-science et rêve », précise la quatrième de couverture. Assurément il y a la de quoi intriguer, d'autant que les textes sont signés Joël Champetier, auteur québécois relativement méconnu de ce côté-ci de l'Atlantique, un comble pour un écrivain de langue française (et dire qu'il y en a pour continuer à nous parler de préférence culturelle, j'vous jure, y a franchement de quoi se marrer…).

Le recueil s'ouvre par une nouvelle assez surprenante et au titre plein d'à-propos : « Ce que Hercule est allé faire chez Augias, et pourquoi il n 'y est pas resté ». L'histoire commence comme une boutade, pour bientôt prendre un tour franchement dramatique : une manière qu'on retrouvera fréquemment tout au long du présent ouvrage. En effet, imaginez un peu quelles puissent être les conséquences de la mise hors service du système sanitaire d'un croiseur interstellaire transporteur de troupes en mission ultra secrète… Un texte efficace en dépit d'une fin un tantinet décevante, une nouvelle à lire tranquillement installé sur… le « bol » (le « bol », employé pour désigner ce que l'on appelle communément par chez-nous les chiottes, étant vraisemblablement une expression typiquement québécoise…).

Avec « Visite au comptoir dénébolien », Champetier nous offre sa version du premier contact entre terriens et E.T. : une balade dans les méandres d'un comptoir commercial ouvert sur notre bonne vieille Terre par nos visiteurs d'outre-espace. Un texte humoristique qui, s'il ne manque pas de truculence, demeure sans doute le plus anecdotique du recueil.

« Survie sur Mars » est d'un tout autre calibre. Huis clos étouffant, cette histoire de dix scientifiques en mission d'expérimentation sur la planète rouge est une véritable réussite, tant du point de vue de la psychologie des personnages, des liens qui se tissent entre Louis, le nouvel arrivant dans ce petit groupe endeuillé par la mort d'un des leurs, et le reste des scientifiques, que de la trame narrative de fond. Une histoire où la tension se fait de plus en plus palpable au fil de la lecture, où l'auteur nous conduit irrésistiblement vers une chute que d'aucuns estimeront peut-être un peu téléphonée mais qui demeure, malgré tout, raisonnablement surprenante. Un véritable petit bijou.

« Karyotype 47, XX, + 21 » s'inscrit dans un registre radicalement différent, celui de l'eugénisme. Est-on en droit de stériliser un être humain sur le prétexte d'une malformation congénitale et donc, de fait, potentiellement transmissible ? Une question qui nous renvoie à une actualité récente et, évidemment, extrêmement brûlante. Si l'argument science-fictif est ici et plus qu'ailleurs simple prétexte, « Karyotype… » n'en est pas moins fort intéressant, un texte dur et engagé, dérangeant même et, au-delà de l'argument de base, efficacement mené.

Reste « Cœur de fer », dernière nouvelle qui donne son titre au recueil et nous propulse au sein de l'équipage de l'Aiguille, un vaisseau extraordinaire tant dans sa conception que de part sa vocation : plonger au sein du noyau terrestre pour y traquer un ennemi redoutable. A moins que l'ennemi ne soit pas celui qu'on croit… Cette nouvelle est une totale réussite, notablement hard science sans pour autant verser dans l'abscons, pleine de rythme et remarquablement imaginative. Un régal.

Le recueil s'achève sur une courte interview de l'auteur, initiative louable qui permet de faire plus ample connaissance avec un écrivain dont je ne savais, pour ma part, que bien peu de choses. Au final Cœur de fer s'impose comme un ouvrage de très bonne tenue, une pierre de plus à l'édifice désormais imposant qu'est la nouvelle Science-Fiction francophone. À découvrir sans tarder.

Olivier GIRARD

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