En se penchant sur les faits divers (dans Le Degré zéro de l'écriture), Roland Barthes avait déjà noté que ce qu'on retenait dans ceux-ci tenait à l'étonnement qu'ils suscitent et à la suspicion sous-jacente du hasard se confondant avec le destin. Les coïncidences troublantes participent de cette pensée magique et c'est pour en avoir été victime que Georges, un auteur de livres ésotériques, décide d'enquêter sur le sujet. Au passage, le lecteur a droit à un bel aperçu des coïncidences extraordinaires recensées par l'auteur, comme la fameuse comparaison des biographies de Lincoln et Kennedy. L'esprit critique et rationaliste de Georges table sur des phénomènes de synchronicité mais s'efface progressivement devant la difficulté à justifier les coïncidences, non pas qu'elles soient impossibles, mais parce que leur quantité les rend suspectes. À force de les traquer, ne finit-on pas par les provoquer ? Ainsi, il découvre sur de vieilles photos de famille un enfant jumeau dont il ignorait tout. Parvenant à retrouver sa trace, il apprend qu'il aurait été donné par ses parents à un couple ami sans enfants. Mais ce jumeau est un escroc qui a la pègre aux trousses. Ce dernier saisit là une bonne occasion d'échanger sa vie avec celle de l'écrivain qui n'y voit pas malice et devient la victime des tueurs à gage…
C'est ici que tout dérape. L'intrigue, qui semblait prendre la voie d'un thriller forcément décevant vu les fantastiques attentes du début, débouche sur un vertige spéculatif qui n'est pas sans rappeler Simulacron 3 de Daniel Galouye et Le Maître du haut-château de Dick. Malgré une lenteur de mise en place, la narration est suffisamment bien menée pour soutenir l'intérêt. Coïncidence se révèle cependant un cran en-dessous de L'Homme qui se prenait pour lui-même et Superstition (également chez J'ai Lu), deux des quatre romans (Ambrose est aussi l'auteur de Cyber Killer, disponible au Livre de Poche) traduits à ce jour de ce scénariste de cinéma (D.a.r.y.l., Amityville 3) qui excelle dans la remise en question de la réalité.