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Les critiques de Bifrost

Collapsium

Wil McCARTHY
PRESSES DE LA CITÉ
432pp - 22,50 €

Critique parue en mai 2008 dans Bifrost n° 50

Un conseil : mieux vaut commencer par lire les annexes et le glossaire en fin de volume afin de se familiariser avec ce concept, assez ébouriffant, de « collapsium », à savoir un cristal contenant des trous noirs miniatures (lesquels sont ici considérés comme des particules élémentaires massives), ce qui permet nombre d'applications extraordinaires — dont la téléportation instantanée (les humains se faxent). L'inventeur en est Bruno de Towaji, qui, devenu richissime, s'est isolé sur une planète artificielle de très petite taille réalisée avec son collapsium pour lui donner une gravité terrestre. Tout cela afin de poursuivre ses recherches sur l' « arc de fin » capable d'arracher des photons à l'extrémité du temps lui-même, et découvrir par la même occasion à quoi ressemble ladite extrémité du temps !

On l'a compris, ce récit se situe dans un futur lointain où l'homme a accompli des progrès considérables — il est ainsi capable de programmer la matière : les portes apparaissent à l'endroit où on désire franchir une cloison. D'ailleurs, Bruno de Towaji est immortel, comme ses semblables, ce qui ne l'empêche pas d'être sans cesse dérangé dans ses travaux, tous les dix ans environ, pour sauver le monde à la demande de la reine de Sol, Tamra, que Bruno appelle affectueusement Tam, pour avoir été son premier amant (lesquels sont tous appelés Déclarants). En effet, son rival, Marlon Sykes, autre Déclarant, a construit un Anneau collapsial autour du soleil afin de permettre aux informations et aux personnes de voyager plus vite que la lumière. Mais l'Anneau est instable et sa destruction provoquerait la mort de toute l'humanité… Un problème que notre héros génial règle avec désinvolture. Mais lorsqu'un autre incident se produit, il est clair que quelqu'un cherche à saboter l'Anneau.

Composé de trois novellas réunies en roman (sans que l'auteur ne prenne la peine de gommer les rappels d'un récit à l'autre), ce space opera ne déménage guère, une fois assimilés les concepts de hard science que McCarthy, par ailleurs scientifique de haute volée, a emprunté à d'autres. Les idées sont séduisantes et présentées avec une solide couche d'explications scientifiques les rendant plausibles le temps de la lecture, mais le reste du roman ne suit pas. On reste pantois devant la facilité avec laquelle le héros prend la mesure du problème puis, au hasard d'un rebondissement, entrevoit la solution qu'il met en place sans délai ni grande difficulté. La psychologie des personnages, la construction même de l'intrigue, sont d'une naïveté qui n'a même plus cours dans la littérature pour la jeunesse des moins de huit ans. C'est dommage, car on imagine quel récit passionnant on aurait pu tirer avec un écrivain sachant exploiter ces idées. La première partie a pourtant été finaliste au Nebula, et le roman, sélectionné pour le prix Sturgeon, a été élu meilleur livre de l'année sur Amazon — mais les Etats-uniens sont de grands enfants, n'est-ce pas ?

Claude ECKEN

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