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Les critiques de Bifrost

Comme un diamant dans ma mémoire

Comme un diamant dans ma mémoire

Guy Gavriel KAY
L'ATALANTE
480pp - 28,50 €

Bifrost n° 111

Critique parue en juillet 2023 dans Bifrost n° 111

Comme un diamant dans ma mémoire s’inscrit dans le même univers de fantasy historique que La Mosaïque sarantine, Les Lions d’Al-Rassan, Le Dernier rayon du soleil et, surtout, Enfants de la terre et du ciel, dont il constitue d’ailleurs une forme de prélude (mais peut se lire de façon tout à fait indépendante, même si l’œil averti captera des références à Sarance ou à Dubrova). Inspiré par le tout début de la Renaissance italienne, il ne se déroule pourtant pas dans le même monde qu’un autre roman de Kay aux fondamentaux similaires, Tigane. Nul besoin d’être féru de l’histoire du pays pour reconnaître les analogies avec les condottieres, les grandes cité-états de l’époque (Seresse est Venise, Bischio est Sienne, etc.) ou leurs dynasties régnantes (les Sardis de Firente correspondent aux Médicis de Florence, par exemple).

Quasiment tout le récit n’est en fait qu’une longue analepse, un notable se remémorant les événements survenus un quart de siècle plus tôt, quand le monde a changé suite à la chute de Sarance, alors qu’il rencontrait une femme extraordinaire, et que le hasard le plaçait dans une position privilégiée pour observer la danse compliquée de deux seigneurs, les plus redoutables capitaines mercenaires de leur temps, entre respect mutuel et volonté farouche de se vaincre l’un l’autre. On pourrait ici penser aux Lions d’Al-Rassan, mais les deux livres sont suffisamment différents pour que la comparaison s’avère d’une pertinence limitée. On pense davantage à un roman, complètement Historique, celui-là, qui partage le ton doux-amer, la fin d’un monde, le long flashback et le fait de placer un personnage ordinaire au cœur des événements cruciaux et dans l’orbite des grands de son monde, à savoir Azteca de Gary Jennings.

Les thèmes principaux sont, comme le titre l’indique, la mémoire, ainsi que l’influence des choix ou d’étranges coups de pouce du hasard dans le tour que prendra sa vie, ainsi que la façon dont décisions et circonstances façonnent nos êtres, nos vies. Le fait que certains événements ou rencontres déterminants se passent à des carrefours n’est d’ailleurs en rien fortuit. Comme d’habitude, la puissance de certaines scènes (l’arrivée de la nouvelle de la chute de Sarance, la mort de deux personnages), le soin à rendre vivants les protagonistes (notamment féminins) et la beauté de la langue (le ton doux-amer, mélancolique, très réussi, s’adapte à merveille à la nature du récit et à ses thèmes) ensorcellent le lecteur, même si on ne placera pas ce titre au sommet de la bibliographie de Kay. Ce qui ne signifie pas qu’on ne puisse le recommander vivement. On notera l’importance moindre de l’art(isanat) que dans ses autres romans, et l’inclusion de quelques éléments sociétaux plus modernes dans une reconstitution historique rigoureuse, inhabituels chez l’auteur.

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