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Les critiques de Bifrost

Contes de villes et de fusées

Contes de villes et de fusées

Julien FOURET, Jean MILLEMANN, Delphine IMBERT, Pierre Alexandre SICART, Antoine LENCOU, Pierre GÉVART, Nico BALLY, Charlotte BOUSQUET, Sylvie MILLER, Philippe WARD, Jean-Michel CALVEZ, Lionel DAVOUST, Sophie DABAT, Jess KAAN, Mélanie FAZI, Estel
AD ASTRA
260pp - 18,50 €

Bifrost n° 62

Critique parue en avril 2011 dans Bifrost n° 62

Imaginez un monde où les Fées ne sont plus des femmes aux pouvoirs magiques, mais des généticiens proscrits suite à leurs manipulations trop invasives sur l’être humain. Un monde où la Belle et la Bête finissent bien dans les bras l’un de l’autre, mais morts. Un monde où la petite sirène sacrifie sa queue pour un auteur en mal d’inspiration et non pour un jeune prince… Vous aurez alors une petite idée du contenu de cette anthologie au titre évocateur. En revanche, inutile de chercher les fusées, elles sont restées au garage.

S’il semble manifeste que les auteurs de ces seize textes ont pris plaisir à revisiter certains des contes ayant bercé notre enfance, sans surprise, tous n’ont pas réussi à instiller de l’intérêt à ces nouvelles versions, loin s’en faut…

Ainsi Lionel Davoust et son « Le Sang du large », une relecture de la Petite sirène qui tombe à l’eau (si on peut dire…) tant elle tourne à la complaisance — on peine à y croire une seconde… Ou encore Nico Bally, qui signe avec « Petite Capuche rouge » un texte qui se veut sans complexe et provocateur, mais s’avère au final d’une totale vacuité.

Moins à côté de la plaque, mais guère convaincant, le récit de Sylvie Miller et Philippe Ward, « Le Pacha botté », nous replonge dans le contexte des aventures d’un détective imaginé depuis plusieurs récits déjà. Si l’univers est intéressant (une Egypte mythique), le texte en lui-même se révèle au mieux distrayant, tant les aventures qui s’y trouvent narrées sont prévisibles et les clichés nombreux.

Du côté des (maigres) réussites, on soulignera la relecture de la Belle au bois dormant de Delphine Imbert, qui livre un texte riche et somme toute attachant. Dans « Une histoire de désir », l’auteur a su moderniser le monde dans lequel évoluent les personnages, sans pour autant perdre la magie du conte. Le mélange de la science et de l’univers merveilleux crée une alchimie proprement charmante.

A l’opposé de ce monde assez doux, « La Mort marraine » (inspiré du conte homonyme des frères Grimm) est dur, sans espoir. Sophie Da-bat ne nous épargne aucune souffrance, aucune désillusion : la mort est définitivement plus forte que l’amour — un propos joliment servi par l’utilisation de narrateurs multiples. Par contre sortez les loupes pour sa lecture : la police de caractères employée par moments est tellement petite qu’il est nécessaire d’avoir une très bonne vue et un éclairage de qualité !

Enfin, le conte qui clôt cette anthologie, « Sacrifice », de Léonor Lara, nous met avec efficacité dans la peau de la femme d’un ogre du XXIe siècle. Comment celle-ci peut-elle supporter les crimes de son mari ? Comment vivre avec ces meurtres sur la conscience ? Des questions aux réponses intéressantes qui permettent de clore sur une note assez positive un recueil pour le moins inégal, mais qui possède toutefois un mérite : donner envie de (re)découvrir les classiques qui les ont inspirés. Car ici comme souvent, l’original s’avère bien supérieur à la copie… Dommage.

Raphaël GAUDIN

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