Dixie Mae travaille au service client de Lotsa Tech, « le gros lot du high-tech », une firme qui garantit le meilleur, aussi bien à ses usagers qu’au personnel employé. Tout paraît se dérouler au mieux sous la houlette de Mr Johnson, dans une ambiance qui mêle super-efficience et aimables vannes de bureau, jusqu’au jour où Dixie reçoit sur son poste un message troublant. L’envoyeur anonyme sait tout de la jeune femme, y compris des détails remontant au plus loin de sa vie privée, qu’elle est littéralement seule à connaître. Très vite, il ne fait aucun doute que « quelque part au sein de ces élégants immeubles était tapie une véritable ordure. Une ordure qui jouait aux devinettes avec elle. » Dixie Mae sonde ses collègues qui se retrouvent partagés entre désir sincère de lui venir en aide et frilosité. Après tout, travailler pour Lotsa Tech est une véritable aubaine, et nul n’est irremplaçable. Mais est-ce vraiment le cas ?
Disons le tout de suite, l’intrigue déroulée par Vinge, et le format de la novella qui ne se perd pas dans l’accessoire, garantissent au lecteur un formidable moment. Ce qui n’était pas gagné d’emblée car l’auteur prend un risque à traiter un thème maintes fois rebattu. Or non seulement Vinge en a évidemment conscience, mais il joue avec les références, en dressant la liste au lieu de les taire. La page 56 est un modèle de roublardise, à la fois bibliographie idéale et moyen d’assumer l’héritage science-fiction. Vinge va même jusqu’à citer deux fois Darwinia de Robert Charles Wilson. Or cette surexposition du thème abordé, loin d’en désamorcer l’impact, permet à l’auteur de tenter radicalement autre chose, et d’y parvenir. Vernor Vinge utilise le principe de décohérence. Si le réel macroscopique est parfaitement imité, ne va-t-il pas réduire les interférences des simulacres quantiques ? Au fur et à mesure de l’enquête menée par Dixie Mae et ses compagnons, des bribes d’informations s’échappent dans leur environnement qui, en retour, agit sur eux comme un observateur.
N’en disons pas plus au risque de trop révéler, ce qui est dommageable pour un roman et s’avèrerait fatal pour un format court. Si toute la nouvelle collection du Bélial’ garantit le même shoot de SF, à la fois bref en lecture et intense de plaisir, vous tenez avec « Une heure-lumière » votre nouveau dealer.