Votre enfant se plaint à longueur de temps ? Il couine en permanence qu’il préférerait avoir d’autres parents : une meilleure mère et un père plus gentil ? N’hésitez pas : remède de cheval ! Faites-lui lire Coraline, il va très vite changer les paroles de sa petite chanson.
Neil Gaiman n’a pas son pareil pour mettre en place le petit morceau de son imaginaire merveilleux, sans pour autant nous expliquer en long, en large et en travers un pourquoi du comment dans lequel le pauvre lecteur pourrait vite se noyer. Et c’est bien ! Dans Coraline, il y a un autre monde derrière la porte condamnée du salon des Jones. Voilà (ça c’est fait). Neil Gaiman intéressera plus le lecteur en transcrivant la découverte surprenante, et au final assez perturbante, de ce qu’il y a de l’autre côté du miroir de la porte qu’en l’endormant avec des explications aussi vaseuses qu’inutiles. N’est-ce pas, après tout, un procédé qu’il utilisa dans Neverwhere en 1996 et qu’il conservera, en 2014, dans L’Océan au bout du chemin ? Ses univers fantastiques et merveilleux, Neil Gaiman les instaure comme des règles, des hypothèses admises sans justification, et ceci le différencie avantageusement de beaucoup d’autres auteurs.
Autre constatation notable : les enfants des romans de Neil Gaiman explorent. Tout le temps. Coraline Jones vient d’emménager et ne cesse d’explorer sa maison, celles de ses voisins et voisines ou encore les terrains autour. L’importance de l’imagination des gamins est toujours mise en avant dans ses livres. Par contre, les adultes n’y réfléchissent pas, ne prennent même pas la peine d’écouter ce que leurs enfants essaient de leur dire. Pour eux, tout est rationnel et rien ne sort de l’ordinaire. Gaiman le dit lui-même : « Les adultes suivent les chemins, les enfants explorent. C’est-à-dire qu’ils cherchent absolument à comprendre, ils ne passeront pas à autre chose. » Lorsque Coraline se rend compte des coutumes et de ce que ses « autres parents » pensent être normal, elle cherche à comprendre. Elle décide alors de découvrir l’extérieur de cet autre monde qu’on lui dit « créé pour elle ». C’est grâce à cette imagination, à cette envie incontrôlable d’explorer que ses héros finissent par s’en sortir. Car chez Neil Gaiman, un peu comme chez Stephen King, les mômes font preuve de beaucoup de débrouillardise. Contrairement à pas mal d’adultes.
Coraline, court roman de 160 pages, est donc un livre incroyable et facile d’accès. Rangé côté « Jeunesse », il ne manquera pourtant pas de prendre aux tripes à certains moments ou de ciseler quelques sourires avec son ironie mordante. Une chose est certaine : on peut le lire et le relire avec le même plaisir grâce à ses différents niveaux de lecture, son histoire captivante et, surtout, l’écriture teintée de magie de Neil Gaiman.