D’une régularité de coucou, l’anthologie des Imaginales continue de paraître chaque printemps, à l’occasion du festival éponyme.
Cette livraison, la huitième, se veut dans l’ensemble une réflexion (ou un plaidoyer) sur le libre-arbitre et la différence. Ça commence avec « La Machine différente », de Jean-Laurent Del Socorro, qui transpose au xixe siècle un thème classique de la SF : l’éveil à la conscience de la machine. On se pince pour y croire, mais le récit ménage de beaux moments d’émotion. Il faut en revanche une bonne dose d’abnégation pour poursuivre la lecture de l’anthologie après s’être fadé les nouvelles qui suivent (Anthelme Hauchecorne, les époux Belmas et Patrick Moran), oscillant entre l’indigeste, le laborieux et le n’importe quoi. « Une chance sur Six », de Gabriel Katz, relève le niveau. L’auteur y convoque tous les codes du western et une certaine mythologie littéraire pour en tirer un récit de vengeance qui tourne au jeu de dupes. Malgré une maîtrise indéniable, la chute laisse le lecteur sur sa faim. Adrien Tomas, spécialiste ès fantasy, promène son « Homme d’argile » à travers les siècles mais la balade laisse de marbre. Elisabeth Vonarburg, au métier, livre un fort récit d’apprentissage. « Les Portes du monde » peuvent dérouter par excès de densité, on s’y accroche grâce à des personnages bien caractérisés. Les nouvelles suivantes peinent à convaincre : Olivier Gechter a une plume correcte mais manque d’ambition, Fabien Cerutti a de l’ambition mais manque de clarté, Fabien Fernandez manquant quant à lui un peu de tout… Hélène Larbaigt propose de son côté une nouvelle médiocre de bout en bout. D’un tout autre calibre est « Casser la coquille », le texte de Jean-Claude Dunyach. Vétéran d’une guerre contre les Wanis, d’étranges créatures ovoïdes, Gabe saute d’une base militaire à l’autre, d’une planète à l’autre. Une fuite perpétuelle provoquée par l’attention particulière que lui porte l’ancienne race ennemie : en effet, où qu’il aille et pour une raison qu’il ignore, les Wanis convergent vers lui… Sans doute la meilleure contribution de l’an-tho. Du lourd aussi chez Jean-Louis Trudel (« La Traductrice et les monstres »), où une gamine subit les pires manipulations pour devenir capable de déchiffrer la langue d’une espèce incompréhensible. En quelques pages à peine, Trudel dresse le portrait d’une colonie humaine sur une planète étrangère ; un bémol, toutefois, car l’auteur semble au final dépassé par son projet, et l’on ressort un peu confus de la lecture. On se souvient qu’avec des ingrédients similaires, Ted Chiang avait accouché d’un chef-d’œuvre. Enfin, Estelle Faye produit du style, mais son histoire de mercenaire cherchant à travers toute la galaxie les pièces détachées de sa compagne défunte, piochant à diverses influences (notamment cinématographiques, de Ridley Scott à Real Steel), a un goût de déjà-vu.
À noter que, contrairement à l’édition précédente, ce sont clairement quelques textes de SF (y compris la contribution vintage de Del Socorro) qui tiennent la baraque. Et ça n’est pas pour déplaire à Bifrost, ça…