Lolita PILLE
GRASSET
192pp - 20,80 €
Critique parue en octobre 2008 dans Bifrost n° 52
Il y a des livres, on ne sait pas trop par quel bout les prendre, le bout qui colle, le bout qui pue, ou le bout qui s’étire à l’infini comme du bubble-gum trop chaud. Crépuscule Ville fait partie de ces livres. L’histoire (dont on se tape de la première à la dernière page) pourrait se résumer ainsi : un flic alcoolo (cliché) qui vient de vivre une rupture difficile (cliché) et qui est au bout du rouleau (cliché) enquête sur le suicide de plusieurs obèses (pointe d’originalité sans grand intérêt), avant de rencontrer une femme fatale aux yeux bleu acier (cliché, cliché, cliché). Pourront-ils vivre leur histoire d’amour dans ce monde méchant ? (riff de guitare électrique, un peu saturé, mais pas trop).
Le tout se passe dans une ville future crépusculaire, une ville-forteresse qui ne tient pas debout, déchirée entre allégorie bancale, symbolisme lourdingue, philosophie ultra-profonde du genre : « Y’en a plein le cul des marques et du marketing ! Vive la drogue quand elle ne tue pas les petites filles de sept ans ! »
Difficile d’être renversé par le sirotage d’un opium-coca à la terrasse du Hilton-Nokia.
L’histoire est nulle, les personnages sont creux, l’incohérence du décor ferait pisser de rire n’importe quel créateur de jeux vidéo, mais il y a pire : le style. Lolita Pille ne sait pas écrire, du moins pas dans ce livre ; elle n’a compris/digéré aucune des techniques narratives de base. Incapable de réussir ne serait-ce qu’une description, un dialogue ou une scène d’action, elle se con-tente de pondre de la bouillie qui s’étire, s’étire, va, vient, s’étale, vous glisse entre les doigts, se répète. Et maintenant une bonne grosse giclée de confiture moisie ! De temps en temps, elle ponctue sa logorrhée d’un « il avait une furieuse envie de pisser », d’un « j’ai eu envie de la baiser dès que je l’ai vue » ou d’un subtil « il était temps de foutre la paix à sa putain de persona », histoire de montrer qu’elle n’a pas peur de « cogner ». Le problème c’est qu’elle peut « cogner » autant qu’elle veut la Lolita, avec ses petits poings de nouvelle star catégorie littérature (mademoiselle Pille est l’auteur du médiatique Hell, récemment adapté au cinéma), son histoire on s’en… cogne, justement.
Que ceux qui craignent que ce livre puisse être confondu avec de la science-fiction se rassurent, si Crépuscule Ville appartient à un genre (ce dont on peut douter) c’est avant tout celui de la fiente-fiction.
Comme il convient de finir telle exécution sur une note positive, la voici : à mon humble avis, il y a plus d’idées, de style, d’audace dans une seule page du Narcose de Jacques Barbéri (critiqué dans Bifrost n°51) que dans les 384 pages de Crépuscule Ville de Lolita Pille.
Thomas « Talisker-Citroën-Levi’s » Day