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Les critiques de Bifrost

Crimes, aliens et châtiments

Pierre BORDAGE, Laurent GENEFORT, Laurent WHALE
ACTUSF
304pp - 8,00 €

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Étrange projet que ce Crimes, aliens & châtiments, qui réunit sous une même couverture trois auteurs aux styles très différents et les invite à partager le même univers le temps d’une novella chacun. Quoique, corrigeons d’emblée ce terme d’univers partagé, tant les trois textes en question présentent peu de cohérence entre eux, et considérons plutôt qu’ils possèdent à la base une idée en commun, celle d’un monde où les extraterrestres ont débarqué en masse, et où les écrivains de science-fiction, faute de faire encore rêver les foules avec leurs histoires de petits hommes verts, ont dû se tourner vers la profession pas forcément plus lucrative de détective privé.

C’est Laurent Genefort qui donne le ton avec « Jennifer a disparu  », enquête sur le rapt d’un alien sosie du Totoro de Miyazaki. En compagnie d’une équipe improbable composée de la compagne du disparu, un Petit Gris baptisé Tony et une mante religieuse géante, l’ex-romancier se lance dans un road-trip fauché dont il se serait bien passé. Si, sur le fond, le récit évoque la xénophobie dont sont victimes les extraterrestres de la part d’une partie non négligeable de la population, sur la forme, le ton sait garder une certaine légèreté tout du long et fait sourire, en particulier lorsque Genefort met en scène sa propre déchéance, condamné à mener des enquêtes miteuses dans des conditions dégradantes. Un texte assez atypique de sa part, qui n’en est pas moins réussi pour autant.

Avec « Où es-tu, mon Choo ? », Pierre Bordage œuvre dans un registre similaire, signant une comédie teintée par moments d’une certaine gravité. Le racisme anti-aliens y est plus prégnant, en particulier lorsqu’est abordée la question des relations sexuelles interraciales. Mais on s’y amuse également, en particulier lorsque Bordage fait intervenir ses Clamartis babillants, improbable duo d’extraterrestres que n’aurait pas renié Roland C. Wagner.

Dans « L’Affaire du LBG », qui clôt ce volume, Laurent Whale prend le contrepied de ses camarades en optant pour des aliens assez antipathiques, installés dans des zones désormais interdites aux humains. Mais ce contexte n’est que le prétexte à une longue course-poursuite à la recherche d’un Mac-Guffin cosmique aux propriétés improbables, où l’auteur se voit pourchassé par plusieurs factions qui chacune leur tour endossent le rôle du méchant. On doute tout du long qu’il sache vraiment où il nous emmène, mais le rythme soutenu et le ton goguenard de l’auteur suffisent à faire passer la pilule.

Au final, Crimes, aliens & châtiments est le genre de petit plaisir qu’on aurait tout à fait tort de bouder.

Philippe BOULIER

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