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Les critiques de Bifrost

Dagon : le dieu-poisson

Fred CHAPPELL
CHRISTIAN BOURGOIS
284pp - 18,29 €

Critique parue en janvier 2014 dans Bifrost n° 73

Peter Leland a hérité d'une ferme où il s'installe avec son épouse. Lors d'une balade dans la propriété, Peter fait la connaissance de la famille Morgan, qui vit sur ses terres dans une horrible maison basse comme arrachée à un lointain passé. Le père, moitié paysan inculte, moitié contrebandier d'alcool, est gros et rougeaud, la mère est énorme avec des membres courts. Quant à leur fille, Mina, aux cheveux noirs comme l'onyx, elle ressemble un peu à un poisson avec son nez écrasé, presque absent.

« Vous êtes rudement beau, dit-elle. Ça, pour sûr, vous êtes tellement joli que pour un peu je vous mangerais. »

Peter, qui a pourtant une jolie femme et de solides principes de pasteur, va alors découvrir ce que peut être un désir contre-nature, désir pour une monstrueuse adolescente de quatorze ou quinze ans, à la peau froide et à la puissante odeur de poisson mort.

Avant tout, pour parler de ce roman, il convient de contrebalancer la préface du traducteur, qui nous explique que Lovecraft n'a pas grand-chose à faire avec cette affaire et que Dagon, le dieu-poisson parle surtout de Samson et Dalila, et du culte des serpents dans certaines zones rurales du sud des USA. Bien sûr : Cthulhu, Yog-Sothoth et Cie sont cités dans le texte par hasard…

Réécriture sudiste du « Cauchemar d'Innsmouth », roman d'horreur psychologique fort de descriptions éprouvantes, d'odeurs épouvantables et de crasse tant physique que spirituelle, Dagon, le dieu-poisson monte en puissance lentement, mais inexorablement (une fois passé le premier chapitre, aride, le roman devient très dur à lâcher). Les choses anciennes, effrayantes et ésotériques sont là, dans la marge, dans l'indicible et l'effleurement. On rentre dans ce texte comme dans une eau noire trop froide, avec réticence et difficulté, et quelques brasses plus loin, déjà, on commence à se noyer, en se demandant quelles horreurs nous attendent au fond. Celles de l'esprit ou celles des profondeurs. Ou pire, celles de la chair.

Toi qui plonges ici, abandonne tout espoir.

Thomas DAY

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