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Les critiques de Bifrost

Danseuse de corde

Christian LÉOURIER
CRITIC
24,00 €

Critique parue en août 2020 dans Bifrost n° 99

Suite directe de Diseur de mots, Danseuse de corde est le volet final du diptyque «  La Lyre et le glaive ». Varka, abandonnée par son amant, parti pour un monde parallèle, magique, va se réfugier, sous la garde attentive d’Hòggni, dans le village de son amant disparu. Elle y donne naissance à une fille, qui finira par prendre le nom de Danseuse de corde, funambule cherchant un équilibre sur un fil, mais surtout entre la réalité des hommes et celle des êtres magiques. Pendant ce temps, Slegur se remet du dernier combat, désastreux suite à une coulée de boue imprévue. Signe des dieux ou du Dieu ? Et, sous l’impulsion de Kredfast, le servant (voire l’inventeur) de l’Unique, le dieu à la Lyre, il songe fortement à agrandir son territoire au détriment de ses nombreux voisins. Créant là les conditions idéales pour un affrontement dantesque entre les partisans de l’Axe-divin et ceux de l’Unique.

Ce roman reprend au même rythme que le premier tome : à hauteur d’homme. On y retrouve le plaisir des contes, et ses personnages forts, pleins d’amour et de haine, d’envies et de dégoûts. Avec des paysages croqués en quelques mots, mais qui s’imposent à nous, évidents. Avec une once de magie, la présence de créatures et de forces puissantes, tapies à la limite du monde des humains, à les observer, à intervenir parfois. Plaisir des contes, donc, mais contes cruels, ancrés dans la violence des hommes, dans le tourbillon de leurs désirs parfois contradictoires, souvent antagonistes. Les questions et les doutes minent les esprits. L’ambition et l’orgueil fouaillent les cerveaux. Les tensions s’exacerbent et montent jusqu’au final d’anthologie qui se déploie, magistral, sur des dizaines de pages.

La langue de Christian Léourier, si elle se montre riche et précise, n’est en rien obscure ni pédante. Les mots ont un poids, et cet auteur sait les choisir en conséquence. Légers ou lourds selon les circonstances, graves ou joyeux. Il entraine ainsi son lecteur sans barrière dans une histoire pourtant foisonnante de détails, de noms propres et de péripéties. Son habileté et la rapidité du rythme induite par le changement fréquent de protagonistes lui permettent de mener son récit sans brisure, sans temps mort. On se croirait à une veillée, avec un orateur talentueux aux commandes. Les silhouettes prennent des couleurs et des formes sous les coups de pinceau de l’artiste. Certains personnages ressortent du lot, comme Elyhora, la reine aux trois fils, auxquels elle tient comme à la prunelle de ses yeux. Elle possède un petit côté Cersei (Lena Headey dans la série HBO), obnubilée par la réussite de sa progéniture ; par la prudence, en opposition totale avec la fougue de sa descendance, pleine de testostérone et de désir d’en remontrer à tous. Comme Hòggni, aussi, le guerrier brutal, quasi animal, mais au sens de l’honneur irréprochable et au cœur tendre quand il est en présence de Kélia, la fille de Varka.

Après la très bonne surprise du Diseur de mots, la lecture de Danseuse de corde confirme l’aisance de Christian Léourier dans le registre épique. « La Lyre et le glaive » fait plus que convaincre, il emporte, et après avoir refermé l’ultime page de ce gros roman coupé en deux livres, impossible de ne pas souhaiter que l’auteur renoue bientôt avec la fantasy héroïque, tant il y excelle.

Raphaël GAUDIN

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