Un an après L’Enfant des cimetières, Sire Cédric persiste et signe dans le domaine du thriller horrifique. De Fièvre et de sang n’en constitue pas vraiment une suite, mais il reprend l’un de ses personnages principaux, le commandant Alexandre Vauvert.
Le roman démarre sur les chapeaux de roue : une ferme isolée et délabrée, une jeune fille nue et ligotée, deux tortionnaires sordides, frangins dégénérés et tueurs en série. Sire Cédric connaît ses classiques du cinéma d’horreur, des premiers Wes Craven aux récentes tentatives françaises, et nous en offre une énième variation. A la différence près que, pour une fois, les flics ne débarquent pas après la bataille. Soixante pages de course-poursuite et d’échanges de tirs plus tard, le calvaire de la demoiselle prend fin et les psychopathes achèvent leur carrière sur une table d’autopsie.
The End.
Sauf que, un an plus tard, les meurtres recommencent, dans des circonstances similaires, cette fois à Paris et dans sa proche banlieue. Pour le commandant Vauvert et sa collègue, la profileuse Eva Svärta, tout est à refaire.
Comparé à son roman précédent, on sent Sire Cédric plus à l’aise avec les codes du genre qu’il aborde. Il maîtrise impeccablement son outil et impose au récit un rythme frénétique de bout en bout. En outre, le méchant de service (en l’occurrence une méchante) est sensiblement plus intéressant que le chiard homicidaire de L’Enfant des cimetières, et d’une perversité assez réjouissante.
Ceci dit, l’auteur semble si confortablement installé dans le cadre du thriller que De Fièvre et de sang est somme toute très routinier dans son déroulement. Pas vraiment de surprises, les rebondissements arrivent au moment où on les attend, les meurtres se succèdent avec une régularité métronomique. On attend que Sire Cédric secoue un peu les conventions du genre, en vain. Tout est si bien balisé que la tentation du hors-piste ne semble même pas l’effleurer.
Etant donné le background du romancier, il est plutôt étrange et amusant de le voir mettre en scène un personnage tel que Vauvert, archétype du flic bourru et compétent, entièrement dédié à son travail. A ses côtés, Eva Svärta offre un contrepoint total, là aussi jusqu’à la caricature : albinos, habillée de cuir, dissimulant en permanence son regard derrière des lunettes noires. On ne s’étonnera donc pas de la voir revêtir corset en vinyle, porte-jarretelles et bottes à talons hauts pour se rendre à un concert de Moonspell (dans le cadre de son enquête, bien en-tendu…).
Hormis quelques clins d’œil de ce type, plus anecdotiques qu’autre chose, on est finalement assez loin de l’univers gothique où l’auteur fit ses premiers pas. Certes les scènes gore ne manquent pas, certes l’élément fantastique au cœur de l’intrigue tient une place plus importante que l’aspect enquête policière, purement fonctionnel et à peu près aussi crédible que dans un épisode de Julie Lescaut. Mais au final De Fièvre et de sang, comme son prédécesseur, ne propose qu’une version délayée, voire édulcorée, de l’imaginaire de Sire Cédric. Il suffit de comparer ce roman à certaines nouvelles de Dreamworld (que le Pré aux Clercs a eu la bonne idée de rééditer fin 2009) pour constater que ses thrillers ne donnent à voir qu’un pan de l’écrivain, et pas forcément le plus intéressant.
Malgré tout, dans le cadre que s’est imposé l’auteur, De Fièvre et de sang n’est pas un mauvais roman, loin de là. Par son écriture efficace, son découpage au cordeau et son rythme endiablé, il fait partie de ces pavés qu’on lit d’une traite, sans se poser de questions. Peut-être Sire Cédric a-t-il renoncé à être le « Clive Barker français » que certains de ses textes précédents laissaient percevoir. On se contentera donc pour l’instant de le voir incarner un Graham Masterton plus que convaincant.