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Les critiques de Bifrost

De peur que les ténèbres ne tombent

Charles MacLEAN
PRESSES DE LA CITÉ

Bifrost n° 69

Critique parue en janvier 2013 dans Bifrost n° 69

Martin Gregory est un type discret. A trente-trois ans, cadre supérieur dans une firme new-yorkaise, il mène avec Anna, sa femme jeune et séduisante, une existence des plus banales dans une banlieue chic. Le couple n’a pas d’enfants mais deux chiens, des golden retrievers, les « garçons », Klaus et César, qu’ils adorent… Oui, Anna et Martin le reconnaissent bien volontiers, si ces chiens ne sont pas des enfants, bien sûr, il y a malgré tout un peu de cela. Et alors ? Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Anna. Martin lui a fait une surprise. Il l’a enfermée dans sa chambre, là-haut, le temps de préparer la fête. Une grosse boîte. Une caisse, plutôt. Avec dedans un poème. Et aussi Klaus et César. Qu’il a proprement égorgés pendant qu’il les nourrissait, sans trop savoir pourquoi. Un joli cadeau pour Anna. Manifestement, Martin a un problème…

Initialement publié dans la défunte collection « Paniques » des Presses de la Cité en 1983 (soit un an après sa publication VO) sous le titre Le Guetteur (traduction littérale de l’intitulé anglais), réédité dix ans plus tard dans une autre collection défunte, « Terreur », des éditions Pocket, puis en 1998 chez Omnibus dans le volume Paniques, une sélection de cinq romans présentés comme les meilleurs « thrillers des années 80 » (dont Le Seigneur des guêpes de Iain Banks), voici donc la quatrième édition de The Watcher, qui y gagne au passage un nouveau titre français — dommage —, mais pas une nouvelle traduction — re-dommage (et ce dans l’attente d’une cinquième édition pour un retour en poche, puisqu’il semblerait que ce roman soit appelé à reparaître chez 10/18 sous peu). Bref, De peur que les ténèbres ne tombent est un classique. Peut-être pas hyper connu, mais un classique tout de même. Et qui vaut qu’on s’y attarde, tant s’avère bien menée l’intrigue qui nous fait osciller entre fantasme et réalité brute, entre doute et certitude en alternant les procédés et points de vue narratifs avec habileté. Sans parler d’une scène d’ouverture proprement glaçante qui « portera » le lecteur tout au long du livre — et qui n’est pas sans évoquer l’Equus de Peter Shaffer. Un peu daté, ceci dit (publié en 1982, on est en plein âge d’or de la psychanalyse moderne, et ça se sent), une impression renforcée par la traduction de Jacques Martinache qui, sans être scandaleuse, aurait mérité un sérieux coup de frais (on éprouve à la lecture du texte la même impression qu’au visionnage de certains films d’horreur du tournant des années 80, le sentiment d’un décalage patent, quelque chose qui n’empêche pas le malaise, presque au contraire, mais qu’on perçoit tout du long et sur lequel on ne peut s’empêcher de revenir…). Demeure un moment de lecture intense, la plongée dans une psyché malade somme toute assez flippante et qu’on n’oubliera pas de sitôt. A découvrir.

Olivier GIRARD

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