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Les critiques de Bifrost

Demain les chats

Bernard WERBER
ALBIN MICHEL
320pp - 20,90 €

Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85

On s’était pourtant promis de ne plus le faire, oui. Mais voilà… Ce nouveau Werber, avec un titre pareil, franchement, difficile de passer à côté… Et puis quoi, après tout, qui sait ? Werber n’est peut-être plus aussi mauvais que d’aucuns l’affirment, non ? Qui a lu un de ses romans récents ? Loin de vouloir hurler bêtement avec la meute (pas notre genre, si ?), on a souhaité en avoir le cœur net.

Le cru 2016 de cet auteur à la régularité quasi métronomique trace un parallèle évident avec le Demain les chiens de Clifford D. Simak… Un chef-d’œuvre, donc – la comparaison risque bien d’être douloureuse. Tout commence quand un attentat est commis dans une école parisienne : une France malade plonge dans la guerre civile. Le président et les élites quittent la capitale devenue la proie des pilleurs. Pire : une nouvelle souche de la peste répand la mort. Tout cela est décrit par Bastet, une jeune chatte intelligente qui vit chez Nathalie, ingénieure en bâtiment, et qui a pour ambition d’instaurer un dialogue interespèces avec les humains, les « servants ».

L’idée en soi est intéressante, mais… on sait Werber peu avare d’incohérences, voire de maladresses. Florilège. Le premier réflexe de Nathalie pour en apprendre plus sur l’attentat est d’acheter une télé. Formidable, puisqu’en dépit de la guerre civile, elle continue de diffuser reportages sur le conflit, matchs de foot et bulletins météo. Sans oublier Les Aristochats. La voisine de Nathalie est une scientifique. Dans quel domaine, on ne sait pas trop. Peu importe car c’est une scientifique à l’ancienne, avec son labo secret dans sa cave (il ne manque plus qu’Igor)… Cette dame a greffé sur le crâne de son chat Pythagore une prise USB ! Pratique : branché à un smartphone, le matou peut accéder au web et au GPS, alors que l’électricité est coupée un peu partout. Le réseau de France Télécom, c’est du costaud. Le matériel des sociétés de vidéosurveillance aussi, puisque Pythagore se connecte aux caméras, notamment celles de l’Élysée… Mais le bunker antinucléaire du palais est une telle camelote que des rats peuvent en grignoter le béton. Quant aux chats, eux, ils sont parfaitement capables d’ouvrir des conserves sans outil.

Côté sciences, l’auteur s’y connaît, lui qui a été journaliste scientifique. On peut donc croire que lorsqu’il recommande la ronronthérapie, c’est du sérieux. La preuve : il nous donne même ses sources en bibliographie. Il ne manque pas non plus de rappeler ses récentes tocades sur une humanité gigantesque préhistorique et maintenant disparue, plus une bonne dose de considérations philosophiques propre à faire passer Michel Onfray pour le nouveau Proudhon, du baratin sur les ondes psychiques, le pseudo-chamanisme, et un final chargé d’un délire antispéciste qui ressemble aux images du Paradis diffusées par les Témoins de Jéhovah. Dans le prochain roman, le héros fera du porte-à-porte ?

L’uber-fan dira néanmoins : ce n’est pas de la SF mais un conte philosophique. Quid de la forme, alors ? Le roman est certes bien construit, Werber a bâti son histoire avec soin et l’a fait progresser intelligemment. Mais le style ? Plat. Simple voire simpliste, il prévient toute empathie que le lecteur pourrait ressentir pour les personnages. La façon de penser de Bastet, trop humaine, donne l’impression de lire les mémoires d’une collégienne, style à l’avenant. Les rares tentatives d’humour ne font pas mouche, et on se demande parfois si la volonté comique est réelle. « Je me lèche. J’adore me lécher (ma mère m’a toujours dit que “l’avenir appartient à ceux qui se lèchent tôt”). » Eh oui, les chattes se lèchent, c’est très drôle.

Bref, Bernard Werber reste fidèle à sa réputation. Et comme le dit maître Gérard Klein : le public ne se trompe jamais, plus c’est mauvais, plus ça se vend. Demain les chats sera un best-seller…

Patrice LAJOYE

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