Qui est responsable du désastre africain ? La population elle-même, trop ignare, belliqueuse ou paresseuse pour se prendre en charge ? Les politiques des pays riches, préférant les riches horizons de l'espace à la gestion d'une situation qu'ils ne veulent dépêtrer car sans profits immédiats ?
Tout le monde peut-être, pétri d'un égoïsme forcené et d'une indifférence bien contemporaine. C'est le message que tient à faire passer Ayerdhal, en force, avec la brutalité du terrorisme.
En effet, le narrateur, ancien médecin devenu responsable sanitaire d'un satellite de l'agence spatiale européenne, est un jour kidnappé pour de bien curieux motifs : il est chargé de soigner, avec les moyens du bord, les populations africaines oubliées du monde moderne. Le rapt est le seul moyen qu'a trouvé Dziiya la rebelle pour donner à ses semblables ce dont ils ont besoin. Ses victimes finissent par rester de leur plein gré. Les non-consentantes sont éliminées par sœur Marie-Thérèse.
Si l'Interne, comme on le surnommera, finit par prendre fait et cause pour l'idéologie de Dziiya, il n'en refuse pas moins ses méthodes terroristes, même si les appels à la responsabilisation ne portent pas leurs fruits. L'humanitarisme n'est pas une vocation innée, lui explique-t-on, c'est un apprentissage. Qui passe par une éducation « forcée ». Évadé, promu à de plus hautes responsabilités, il devient un agent à la cause du tiers monde, tout en essayant de conserver son éthique : « Je ne dis pas qu'il faut monopoliser son existence à éradiquer l'indigence du tiers-monde — la vie offre des plaisirs qu'il serait idiot d'ignorer — , mais je crois qu'il faut mettre un terme à la cécité, relever ses propres manches et surtout pousser nos irresponsables hommes d'État à changer les centres d'intérêts nationaux ».
Un roman qui a le mérite de poser les bonnes questions, de refuser les solutions radicales et simplistes en replaçant les sociétés industrialisées, et les hommes qui les composent, face à leurs responsabilités.
Dense, efficace, le fait que ce roman, qui a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1992, soit réédité dans une collection regroupant les écrivains « Nouvelle génération », montre bien que le roman populaire et de science-fiction, comme Jihad de Ligny réédité sous le même label, sait être en phase avec son époque.