Connexion

Les critiques de Bifrost

Demain, une oasis

Demain, une oasis

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
244pp - 18,00 €

Bifrost n° 21

Critique parue en décembre 2000 dans Bifrost n° 21

Qui est responsa­ble du désastre afri­cain ? La population elle-même, trop igna­re, belliqueuse ou paresseuse pour se prendre en charge ? Les politiques des pays riches, préfé­rant les riches hori­zons de l'espace à la gestion d'une situa­tion qu'ils ne veulent dépêtrer car sans profits immédiats ?

Tout le monde peut-être, pétri d'un égoïsme forcené et d'une indifférence bien contemporaine. C'est le message que tient à faire passer Ayerdhal, en force, avec la bru­talité du terrorisme.

En effet, le narrateur, ancien médecin devenu responsable sanitaire d'un satellite de l'agence spatiale européenne, est un jour kidnappé pour de bien curieux motifs : il est chargé de soigner, avec les moyens du bord, les populations africaines oubliées du monde moderne. Le rapt est le seul moyen qu'a trouvé Dziiya la rebelle pour donner à ses semblables ce dont ils ont besoin. Ses victimes finissent par rester de leur plein gré. Les non-consentantes sont éliminées par sœur Marie-Thérèse.

Si l'Interne, comme on le surnommera, finit par prendre fait et cause pour l'idéolo­gie de Dziiya, il n'en refuse pas moins ses méthodes terroristes, même si les appels à la responsabilisation ne portent pas leurs fruits. L'humanitarisme n'est pas une voca­tion innée, lui explique-t-on, c'est un ap­prentissage. Qui passe par une éducation « forcée ». Évadé, promu à de plus hautes responsabilités, il devient un agent à la cause du tiers monde, tout en essayant de conserver son éthique : « Je ne dis pas qu'il faut monopoliser son existence à éradiquer l'indigence du tiers-monde — la vie offre des plaisirs qu'il serait idiot d'ignorer — , mais je crois qu'il faut mettre un terme à la cécité, relever ses propres manches et surtout pous­ser nos irresponsables hommes d'État à changer les centres d'intérêts nationaux ».

Un roman qui a le mérite de poser les bonnes questions, de refuser les solutions radicales et simplistes en replaçant les sociétés industrialisées, et les hommes qui les composent, face à leurs responsabilités.

Dense, efficace, le fait que ce roman, qui a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1992, soit réédité dans une collection regroupant les écrivains « Nouvelle géné­ration », montre bien que le roman populai­re et de science-fiction, comme Jihad de Ligny réédité sous le même label, sait être en phase avec son époque.

Claude ECKEN

Ça vient de paraître

La Maison des Jeux, l'intégrale

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 116
PayPlug