Christopher FOWLER
AU DIABLE VAUVERT
392pp - 19,00 €
Critique parue en avril 2003 dans Bifrost n° 30
Fowler n'a rien d'un inconnu. En Angleterre, où il talonne Gaiman, pour le style et l'accueil, il a publié dix-huit romans et recueils de nouvelles.
Recueil fantastique, Démons intimes suit une simple chronologie, comme l'a voulu l'auteur, « afin qu'on puisse lire la progression logique de la pensée ». Fowler avoue d'ailleurs, dans la préface, visiter des terres inexplorées. Il n'y a effectivement pas de sang, ou si peu, rien de gore, pas de gros clichés dans les dix-sept nouvelles du livre. En revanche, beaucoup d'anges, de cavaliers de l'apocalypse, de mystère et de mélange d'ambiance et de genre. De l'orient à la Russie occidentale, on en revient toujours, cependant, à cette bonne vieille Tamise chère à Fowler. Car l'auteur a deux sujets de prédilection, exploités dans nombre de ses livres, dont la Ligue de Prométhée dernièrement paru : Londres et le fanatisme, sans aucune transition de l'un à l'autre. On trouve les deux dans Démons intimes. Fatalement, on pense un peu à Poe. Un peu seulement. Fowler a un style propre, sans beaucoup de références autres que les siennes. Et il le sait. Il le sait si bien que certaines nouvelles en ressortent assez troubles, à la limite de l'acceptable, en particulier lorsque Fowler touche au débat universel sur la destruction « nécessaire » de l'homme. Peu importent les éléments extérieurs fantastiques, dans ce recueil. Les démons intimes, une fois de plus, pour l'auteur, sont à la source même de l'humanité ; le fantastique n'est qu'un prétexte. Certains militent pour la paix dans le monde, Fowler, lui, lutte contre la mort de l'imagination, comme il le précise un peu pompeusement dans sa préface. Il décrit donc l'homme dans toute sa nudité, dans toute son erreur, toute sa grâce. Et parfois, il conte même pour le plaisir, sans idée autre derrière la tête que celle de l'histoire.
On retrouvera dans ces Démons intimes certaines nouvelles publiées en France dans diverses anthologies, on en découvre d'autres inédites, certains textes souches de romans connus. Fowler fait tout partager à ses lecteurs, ses craintes et ses échecs, ses réflexions, sa façon de travailler, ses ambitions. « Stephen King est l'auteur le plus célèbre du monde. Tous les auteurs d'horreur et de fantastique n'aspirent-ils pas à être tels que lui ? Non », répond Fowler. Un recueil intime, plus qu'il n'y parait.