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Les critiques de Bifrost

Dernier meurtre avant la fin du monde

Dernier meurtre avant la fin du monde

Ben H. WINTERS
SUPER 8
344pp - 18,00 €

Bifrost n° 78

Critique parue en avril 2015 dans Bifrost n° 78

Toilettes d’un McDonald’s de Concord, New Hampshire. Dans lesquelles on retrouve Peter Zell, un agent d’assurances insignifiant. Pendu. Tout semble indiquer un suicide. Sauf que Hank Palace, jeune policier fraîchement promu officier, n’y croit pas. Son instinct pointe une incohérence. Ceci étant, son instinct, tout le monde s’en moque. D’abord parce qu’il n’est qu’un bleu sans expérience dont les attitudes semblent tout droit sorties du manuel du parfait petit policier. Et puis, surtout, il va mourir dans quelques mois. Et avec lui la majorité des habitants de notre planète. Car l’astéroïde 2011GV fonce vers la Terre, et la collision est inévitable. Alors un mort de plus ou de moins, hein ?

L’idée, quoique déjà vue, est plutôt bien menée. La société se délite progressivement après l’explosion de notions comme le bien commun et l’épargne en prévision du futur. Terminés les « Je ferai ça aux prochaines vacances », les « J’aurai le temps pendant ma retraite » et les « Je le lirai plus tard ». Les priorités sont révisées. Maintenant c’est chacun pour soi. Certains individus abandonnent leur routine et tentent de réaliser leurs fantasmes. D’autres survivent en se raccrochant à des habitudes qu’ils rêvent immuables. Beaucoup, enfin, refusent de laisser 2011GV décider de l’heure de leur sortie et précipitent leur fin. Si les Etats n’avaient pas donné des pouvoirs exceptionnels à l’armée, tout ne serait qu’anarchie. Le port d’armes est sévèrement puni par la loi, tout comme le trafic de drogues. Or, avec cette épée de Damoclès fonçant droit vers la planète bleue, les peines de prison de quelques mois deviennent des condamnations à vie. Ce qui en fait réfléchir plus d’un, et évite que tout ne s’écroule définitivement.

C’est là l’intérêt principal de Dernier meurtre avant fin du monde, la réflexion que le roman développe sur les conséquences d’une catastrophe annoncée sur nos comportements, individuels et collectifs. Pour le reste… Plus on tourne les pages, plus le lecteur se demande lui aussi « A quoi bon ? ». Le personnage principal, lisse et agaçant à force d’objectivité (un collègue lui demande s’il ne vient pas d’une autre planète, on comprend vite pourquoi), semble vivre hors du monde tant il paraît imperméable aux événements — on est presque surpris quand il tombe amoureux. Bref, la mayonnaise ne prend pas, et l’intrigue, tout juste correcte, peine à maintenir l’intérêt. A vrai dire, on en vient à se féliciter de la brièveté (relative) du texte, qui se lit malgré tout assez vite. De là à attendre avec impatience la sortie du deuxième volume de cette trilogie dont le dernier tome est paru aux Etats-Unis en juillet dernier, il y a un pas, peut-être même deux…

Raphaël GAUDIN

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