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Les critiques de Bifrost

Dernières nouvelles de l'enfer

Jérôme LEROY
L'ARCHIPEL
280pp - 17,95 €

Critique parue en octobre 2013 dans Bifrost n° 72

L’intérêt de Jérôme Leroy pour les genres dits mauvais ne s’est jamais vraiment démenti tout au long d’une bibliographie comptant désormais une vingtaine de titres. Quelques livres pour la jeunesse, des romans, des essais, de la poésie et une ribambelle de nouvelles. On sentait poindre déjà dans Une si douce apocalypse ou dans Big Sister le goût de l’auteur pour la dystopie, le fantastique ou les fins du monde. Une tendance également perceptible dans ses romans noirs Monnaie bleue et Le Bloc. Manière pour lui de souligner l’absurdité du monde, de pointer son naufrage inexorable tout en espérant l’irruption d’une colère généreuse pour en détourner le cours. Ici, rien de tel, même si on retrouve quelques échos des maux du monde contemporain.

Avec Dernières nouvelles de l’enfer, Leroy s’essaie à la short-story. Un format où l’on peut aisément tomber à plat. En deux, trois pages, rarement plus de cinq, il parvient à condenser ambiance, intrigue et chute, de préférence inattendue, convoquant le meilleur du cinéma d’horreur, du fantastique littéraire et de la série Z de science-fiction. Quarante-six histoires se terminant mal, très mal, mais sans jamais se départir d’un humour goguenard.

Les aficionados se réjouiront de retrouver parmi les dédicaces quelques-uns des classiques du genre. Des acteurs ou des réalisateurs, tels Donald Pleasence, Max von Sydow, Linda Blair, John Carpenter, John Landis, Brian de Palma ou George Romero. Des auteurs comme Lovecraft, Max Brooks, Arthur Machen, Charles Necrorian, Clive Barker, Robert Bloch. Sans oublier un florilège de personnages fictifs emblématiques, Dracula, Freddy Krueger, Carmilla, Jason et j’en passe, dont les méfaits hantent encore les nuits blanches de leurs laudateurs.

Ils se lamenteront peut-être de ne pas retrouver l’atmosphère des œuvres auxquelles Jérôme Leroy rend hommage. Car les zombies, les E.T., les vampires, les tueurs psychopathes, les fantômes et le diable lui-même servent surtout de faire-valoir à l’auteur, qui néglige le registre du pastiche, préférant laisser infuser dans ses nouvelles des problématiques sociales, voire sociétales.

Certes, on peut reprocher à Jé-rôme Leroy l’aspect prévisible de ses chutes. Le caractère répétitif du traitement et des ressorts peut lasser, voire agacer. Toutefois, au milieu de cet assortiment émergent quelques bonnes surprises, comme cette histoire d’amour touchante avec une réplicante. Ou ce texte fort drôle, intitulé « Cessation d’activité », dans lequel un serial killer calcule le nombre de ses victimes pour faire valoir ses droits à la retraite auprès de la Caisse Mutuelle des Monstres Associés. Ou encore, la confession d’un acteur de slasher vieillissant qui décide de se lâcher sur un tournage parce qu’on lui reproche la faiblesse de son interprétation.

Bref, si Dernières nouvelles de l’enfer n’est pas un recueil indispensable, il recèle suffisamment de textes déviants pour divertir l’amateur de mauvais genres.

Laurent LELEU

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