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Les critiques de Bifrost

Dernières nouvelles de Majipoor

Dernières nouvelles de Majipoor

Robert SILVERBERG
ACTUSF
10,99 €

Bifrost n° 77

Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77

Ce titre français ambigu, bien trouvé, a quelque chose de programmatique — il s’agit en effet des récits les plus récents que Robert Silverberg a consacrés à sa planète géante, et il y a toutes les chances pour que ce soient les derniers, tant l’Américain se montre peu productif dans le domaine de la fiction alors qu’il approche des quatre-vingts ans.

La nouvelle a toujours été le point fort de Silverberg. Son intégrale raisonnée, disponible chez J’ai Lu en quatre fort volumes composés par Jacques Chambon et l’auteur, le prouve à l’envi. Des sept textes ici réunis, deux méritent l’appellation de « court roman » (la « novella » des anglophones), à mon avis le format sur lequel il a connu ses plus grandes réussites — ce qui, quand on sait la qualité de bon nombre de ses romans, n’est pas peu dire.

Même s’il paraît moins échafaudé que le précédent recueil de la saga, le superbe Chroniques de Majipoor, où les recherches d’un personnage dans des archives servaient de fil rouge, Dernières nouvelles… a tout de l’astucieux jeu de miroirs, tant les textes se répondent et se renforcent. Un lai du poète Furvain qui, par un concours de circonstances, se découvre un vrai talent pour écrire plus que des vers de mirlitons (« Le Livre des changements », et, oui, on peut y voir une nouvelle mise en abîme de la métamorphose de Silverberg, de faiseur habile en écrivain majeur), devient bien des millénaires plus tard la base de recherches archéologiques (« La Tombe du pontife Dvorn »). Au passage, Furvain rêve d’un personnage, une sorte de guide et de muse, dénommé Valentin, qui pour lui n’a jamais existé (mais qui, nous, lecteurs, le savons, existera), Valentin, par qui la saga de Majipoor a commencé, et qui la clôt dans une ultime et belle aventure, « Le Septième sanctuaire ». Entre-temps des textes plus légers, dans une veine vancéenne, auront apporté des respirations tantôt farceuses (« Heures sombres au marché de minuit »), tantôt intimes (« L’Apprenti en sorcellerie »).

Saluons le travail des trois traducteurs (dont le plus prolixe, Eric Holstein) qui ont su restituer à merveille le style classique mais riche de cet esthète qu’est Silverberg. En tout cas, si ce livre constitue le point final du grand-œuvre qu’est la saga de « Majipoor », on n’aurait su rêver meilleure conclusion que ce septuor rehaussé par une couverture où Valentin (on suppose) semble arborer les traits de son créateur inspiré.

Pierre-Paul DURASTANTI

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