Cixin LIU
ACTES SUD
192pp - 21,00 €
Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118
Et si des millions d’années avant l’avènement d’Homo sapiens, d’autres civilisations étaient apparues sur Terre ? Non pas, comme l’imaginait un certain H. P. Lovecraft, issues des étoiles ou avec des formes totalement inconnues de nous, mais bien des civilisations bâties par des espèces animales qui nous sont relativement familières. C’est le postulat de base de Des dinosaures et des fourmis, court roman de Liu Cixin, publié à l’origine en feuilleton dans Science Fiction World en 2003. Un beau jour d’été du Crétacé (entre 145 millions d’années et 66 millions d’années avant l’ère commune), un tyrannosaure glouton s’endort avec des bouts de viandes de lézard coincés entre les dents. Juste devant une imposante fourmilière remplie d’insectes affamés. Ni une, ni deux, les bestioles montent à l’assaut du dinosaure et nettoient en profondeur sa dentition. Le lendemain, l’incorrigible T-Rex revient et tend les pattes devant la fourmilière pour son « brossage » postprandial. Le surlendemain, il amène trois de ses collègues… Et au fil du temps, une relation symbiotique se noue entre les dinosaures et les fourmis : les premiers apportant la puissance, la créativité et l’imagination, les secondes la précision et la ténacité. Au fil des millénaires, la civilisation des dinosaures (toutes espèces confondues) et celle des fourmis (là encore, toutes espèces confondues) vont s’épanouir de concert jusqu’à se doter de l’arme nucléaire et plus encore. Et jusqu’à ce que l’escalade des conflits mène finalement à… l’extinction Crétacé-Paléogène aboutissant entre autres à la disparition des dinosaures non aviens, et à une perte brutale de la civilisation des fourmis.
Attention, si vous êtes fascinés par les dinosaures, ce livre pourra vous faire tiquer quand un tyrannosaure (l’un des derniers dinosaures non aviens) converse plus ou moins paisiblement avec un stégosaure (qui lui vivait au Jurassique, donc bien avant l’apparition du T-Rex), et autres invraisemblances chronologiques. Comme pour sa novella Terre errante, Liu Cixin ne s’embarrasse pas de vraisemblance scientifique. Des dinosaures et des fourmis est plus une galéjade, un conte philosophique sur la vie et la mort des civilisations et sur la façon dont les défauts des uns comme des autres peuvent conduire à une catastrophe bien trop tôt. Le tout raconté avec beaucoup de légèreté et d’humour, un cocktail qui fait passer à toute vitesse ces trois mille ans d’histoire commune entre sauriens et insectes.