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Les critiques de Bifrost

Des monstres littéraires

Des monstres littéraires

Jérôme ORSONI
ACTES SUD
166pp - 19,00 €

Bifrost n° 79

Critique parue en juillet 2015 dans Bifrost n° 79

Un certain François, individu dont la seule caractéristique notable est la voix si particulière, quitte la France pour Montevideo. Il laisse derrière lui un recueil de dix-sept textes étranges : le présent Des monstres littéraires. Dans ces dix-sept nouvelles (dix-huit si l’on compte l’introduction du narrateur), il est tour à tour question d’un homme affligé d’une maladie qui le fait se dissoudre dans l’eau ; d’un éditeur désœuvré qui écrit sur des vitres la description de ces mêmes vitres, prélude à son grand œuvre romanesque ; d’un autre encore qui cherche jusqu’à la folie l’origine d’une histoire qu’il croit avoir lue quelque part ; d’une poétesse dont l’œuvre consiste en six poèmes et pas un de plus ; d’un contemporain de Kafka ayant écrit une suite à La Métamorphose… Pas de vampires ou de loups-garous à chercher dans ce recueil. Encore que… Le titre provient du texte précisément titré« Des monstres littéraires », une réflexion sur Dra-cula : « On peut admirer le comte Dracula, non parce qu’il vit au-delà de la mort (…), mais parce qu’il ne cherche plus de sens, il cherche du sang. Il cherche ce qui le fera exister encore. Il ne cherche pas à rendre compte de sa condition. (…) Nous qui sommes des monstres littéraires, nous n’existons pas. Nous cherchons la signification. Que nous ne trouvons pas. »

Plaçant son recueil sous le haut patronage, souvent écrasant, d’Enrique Vila-Matas, Jorge Luis Borges et Franz Kafka, Jérôme Orsoni explore les liens entre vie, écriture et littérature, avec érudition et un soupçon d’humour désabusé. Le fantastique y est présent, souvent discret, à la marge, dans la droite lignée des auteurs cités plus haut. Dans des textes alternant les formes (récits, essais, poésies, commentaires), on retrouve des livres fictifs, des jeux de miroirs, des situations du quotidien où sourd une inquiétante étrangeté. Et bon nombre d’écrivains factices – les monstres, ne seraient-ce finalement pas eux ? Des jeux littéraires centrés sur la seule littérature : pourquoi pas, quoique l’exercice s’avère in fine un peu vain. Les amateurs de curiosités littéraires apprécieront (mais à dix-neuf euros la plaquette, il y a de quoi rechigner).

Erwann PERCHOC

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