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Les critiques de Bifrost

Destination 3001

Destination 3001

Jacques CHAMBON, Robert SILVERBERG, Joe HALDEMAN, Valerio EVANGELISTI, Nancy KRESS, Serge LEHMAN, Andreas ESCHBACH, AYERDHAL, Karen HABER, Orson Scott CARD, Christopher PRIEST, Franco RICCIARDIELLO, Joël HOUSSIN, Paul J. MCAULEY, Jean-Claude DUNYACH, R
FLAMMARION
23,10 €

Bifrost n° 21

Critique parue en décembre 2000 dans Bifrost n° 21

Une nouvelle anthologie. Une de plus, serait tenté de dire l'amateur blasé, échaudé par l'acquisition de deux ou trois bouses authentiques piochées aléatoirement au sein d'une déferlante de nouveautés. Eh oui, les lois de l'édition sont ainsi faites qu'à une période de famine nouvellistique succède une période de surabon­dance, elle-même annonciatrice d'une future et inévitable rechute, etc.

Tout de même, ce projet-ci sort franchement de l'ordinaire. Oh, pas par son thème : l'an 3000… Oui, certes, mais après tout, ça ou la pêche au mérou, qu'importé la thématique pourvu qu'on ait l'ivresse. Là où Destination 3001 innove, c'est par son sommaire : proposer 20 textes inédits d'auteurs français et étrangers — ces derniers se répartissant en quatre groupes : un Allemand, deux Italiens, deux Anglais et huit Américains. Éditorialement, l'événe­ment est à marquer d'une pierre blanche. Reste à considérer la qualité littéraire de l'œuvre.

Au bout du compte, ce que l'on retient d'une anthologie, ce sont ses chefs-d'œuvre et ses navets. Or, de texte nul, je n'en ai guère trouvé qu'un, celui de Valério Evangelisti. Encore ce commentaire se révèle-t-il hautement subjectif, plusieurs personnes au goût sûr m'ayant chanté avec ferveur les louanges de cette nouvelle. Il semblerait hélas que j'aie beaucoup de mal à considérer autrement qu'avec une ironie moqueuse les futurs que met en scène Evangelisti, alors même que ses reconstitutions historiques, quelque liberté qu'elles s'autorisent, me fascinent. Reste que la description apocalyptique de ce monde devenu un asile d'aliénés à ciel ouvert me rappelle les pires nanars du cinéma bis italien.

Hormis ce cas particulier, on sera bien en peine de trouver un texte indigne de figurer au sommaire de cette anthologie. Demeurent les chefs-d'œuvre, ou disons les textes hors du commun. Et là, hélas, je n'en vois guère. Du bon, oui, du très bon, occasionnellement aussi, mais finalement rien d'exceptionnel. En bas de l'échelle, on trouvera « Le Semeur de cauchemars » d'Andreas Eschbach, trop peu original pour être réussi, « L'Epineux problème de la tête à grand-mère » de Karen Haber, amusant mais souffrant d'une chute idiote, « Notre Terre » d'Ayerdhal, habile démonstration de savoir-faire sans véritable enjeu, ou « Angles » d'Orson Scott Card, le type même de texte aussi agréable à lire que rapide à oublier. Deux ou trois crans au-dessus, on verra quelques maîtres ès-nouvelle, Jean-Claude Dunyach, Sylvie Denis ou Robert Silverberg, nous offrir des récits d'une qualité évidente, mais que l'on hésitera à classer parmi les réussites majeures de leurs auteurs. Du bon Dunyach ou du bon Denis vaut certes mieux qu'à peu près tout le reste, mais à force d'excellence on finit par devenir difficile.

L'excellence, tout de même, trois ou quatre nouvelles s'en approchent. « Le Temps des Olympiens », de Serge Lehman, constitue l'une des meilleures réussites de sa « défense et illustration de la science-fic­tion, genre populaire et ambitieux » : le sense of wonder est présent, la réflexion aussi. Gregory Benford, capable du meilleur comme du plus chiant, nous gratifie d'une excellente et captivante « Onde de choc », hard-science sans excès et fort bien menée. Dans un registre proche de la nou­velle de Robert Silverberg, Philippe Curval offre avec « On est bien seul dans l'univers » un texte certes moins brillant mais égale­ment moins frivole. Quant à Dan Simmons, son « Le 9 av » rate de peu l'excellence, trop abscons pour être pleinement réussi.

Les autres textes figurant au sommaire ne déméritent pas non plus et renforcent la qualité globale de l'œuvre. Reste que, au final, on reste quelque peu sur sa faim. Certes, Destination 3001 constitue l'une des meilleures anthologies actuellement sur le marché — nettement en-deçà d'Escales 2001, tout de même —, de quoi occuper agréablement deux ou trois longues soirées. N'empêche, si l'on peut parler d'événement éditorial, on se montrera plus réticent à parler d'événement littéraire.

Philippe BOULIER

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