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Les critiques de Bifrost

Destination Cérès

Jean-Pierre NAUGRETTE
LE VISAGE VERT
10,00 €

Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90

Professeur en littérature anglaise à Paris 3, spécialiste de Stevenson et Doyle auxquels il a consacré plusieurs ouvrages, Jean-Pierre Naugrette est également traducteur et romancier, publié entre autres chez Actes Sud, Terre de Brumes et, à plusieurs reprises, au Visage Vert. Il nous revient avec une fiction, « Destination Cérès », à la construction bipartite. La première partie se déroule au début du XXe siècle, du temps de l’exploration des pyramides égyptiennes. Ou, plutôt que les pyramides, les labyrinthes souterrains situés sous ces dernières, et qui ne sont connus que d’une poignée d’aventuriers chevronnés. Mais gare à qui s’y risque, car il s’y produit des choses qui défient l’entendement. La deuxième partie se passe en 2050, sur la planète naine Cérès, située dans la ceinture d’astéroïdes. Une mission s’y rend, afin d’y découvrir d’éventuelles traces de vie extraterrestre ; le point culminant de l’exploration concerne l’ascension de l’Ahuna Mons, montagne encore inconnue. Là aussi, des événements se produisent, tout à la fois inquiétants, dramatiques et inattendus…

Que dire de ce texte ? Tout d’abord, qu’il s’agit d’une rêverie, une évasion érudite et singulière, inspirée de Stanley Kubrick ou Patti Smith. D’un point de départ crédible et scientifique – même si on peut très sérieusement douter qu’en 2050, on soit capable de mener une expédition vers Cérès –, il bifurque progressivement vers un autre territoire, beaucoup moins balisé, où la raison n’aide plus réellement à comprendre la nature des événements ; il convient alors de lâcher prise, de se laisser emporter, quand bien même on y perd sa santé mentale. L’auteur sait manier la plume, il sait à la fois se faire évocateur et poétique, mais aussi plus précis dès lors qu’on parle sciences et techniques.

Reste la structure duale, qui se révèle épineuse : on imagine qu’elle a été pensée pour que les deux parties se répondent. Alors, certes, on y retrouve des thématiques équivalentes (l’exploration, les concepts de pyramides/montagnes et labyrinthes/cratères, les personnes disparues, etc.), mais cela n’apparaît pas totalement abouti. Chacune des deux parties peut se lire de manière indépendante, et les découvrir l’une à la suite de l’autre n’apporte finalement pas grand-chose. Frustrant.

Bruno PARA

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