p>Du nouveau, cette année, à Epinal. Pour sa septième levée, l’anthologie des Imaginales ouvre clairement la porte aux auteurs étrangers (d’expression française) et aux textes de pure SF, manière de revivifier un concept qui commençait un peu à se mordre la queue.
Quatorze auteurs, dont deux suisses et un belge, se sont emparés du thème polysémique du festival, pour le décliner sous l’angle de la fatalité ou de la providence individuelle (destin), collective (nation), ou plus prosaïquement du but à atteindre.
Bilan ? Les textes de pure SF, relevant dans leur majorité du space ou du planet opera, laissent sur leur faim. Difficile de rentrer dans « Ivresse des profondeurs » (GD Arthur), la faute à une intrigue confuse et une écriture plutôt absconse. Jean-François Thomas livre avec « Chakrouar III » un récit à chute de facture classique, trop old school pour emporter l’adhésion. Très sages, très classiques également, les contributions d’Estelle Faye (« Hoorn ») et de Loïc Henry (« Essaimage »). N’étant pas un grand fan du Bordage nouvelliste, je n’attendais rien de spécial de son texte. « Sans destination » ressemble à s’y méprendre à un brouillon de son dernier space opera (Résonances), réussi lui. Spécialiste des sagas de fantasy, Adrien Tomas s’essaie à une SF teintée de préoccupation écologique et de spiritualisme, dans le prolongement du modèle théorisé par James Lovelock (« La voix des profondeurs »). Un coup d’essai intéressant à confirmer. Seule nouvelle hors-sujet, « L’Aiguillon de l’amour » de François Rouiller renvoie au diptyque pharmaco-médical Métaquine paru l’an dernier. Soit un voyeur et l’objet de son désir : l’un se croit capable, via les progrès accomplis en matière de miniaturisation, de mater l’autre tranquille, mais c’est peut-être l’inverse qui va se passer… Jouissif.
La partie « fantasy » m’a parue globalement plus aboutie, en raison de textes souvent plus longs et davantage travaillés. Ça ne commence pourtant pas sous les meilleurs auspices avec « Bucéphale au cœur des ombres », d’Aurélie Wellenstein, qui nous transporte dans un Moyen-Orient de pacotille secoué de combats fantastiques contre les forces démoniaques. Le héros, croisé à la pureté dangereuse, affronte un Satan chevalin en serrant les mâchoires. Dispensable aussi, « FIN », de Grégory Da Rosa, qui réchauffe la tambouille eschatologique dans un mélange de genres et d’ambiances indigeste. Charlotte Bousquet s’empare avec une certaine réussite des mythes dogons dans « La voix des renards pâles ». Victor Dixen évoque cette part d’inconnu qui aimante les grands explorateurs (et les grands lecteurs), en racontant à plusieurs voix le périple confinant à l’obsession, voire à la folie, d’un homme en quête d’absolu (« La source »). Dans une langue très maîtrisée, Stefan Platteau livre le blockbuster de l’anthologie : son « roi Cornu » est une réécriture du Livre de l’Exode mâtiné de Silmarillion. Donne envie de se plonger dans ses précédents écrits. Partant du récit des prétendus voyages d’un chevalier mytho ayant vécu durant la guerre de Cent Ans, Fabien Cerutti fait vivre à son personnage des aventures hautes en couleur, vanciennes en diable, qui s’inscrivent dans l’univers du Bâtard de Kosigan (« Le livre des merveilles du monde »). Lionel Davoust conclue sur une belle mise en abîme dans « Une forme de démence » : un vieil écrivain à succès embauche une jeune étudiante pour mettre de l’ordre dans ses archives et dans ses pensées. Elle souhaite créer une encyclopédie à l’usage des lecteurs idolâtres, il ne veut que se souvenir et peut-être se perdre dans la nature ultime de la réalité…
Un millésime correct, donc, auquel il manque un ou deux très bons textes de SF pour faire un grand cru.