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Les critiques de Bifrost

Détectives de l'impossible

Détectives de l'impossible

Terry BISSON, Gilles GOULLET, Jonas LENN, Roland C. WAGNER, Johan HELIOT, Claire BELMAS, Robert BELMAS, Jonathan LETHEM, Daniel LEMOINE, Didier DAENINCKX, Kathleen Ann GOONAN, Lionel DAVOUST, Daniel MARES, Sylvie MILLER, Jean-Pierre HUBERT, Thierry DI R
J'AI LU
443pp - 15,00 €

Bifrost n° 28

Critique parue en octobre 2002 dans Bifrost n° 28

Après Privés de futur, l'anthologie de Gilles Dumay et Francis Mizio mêlant polar et S-F, publiée au Bélial', voici quinze autres nouvelles internationales mettant en scène des flics et des détectives, ces derniers étant largement représentés et déclinés sur tous les tons, de l'hommage à la parodie. S'il y a une chose qui ne change pas, c'est bien la nature humaine, ses mauvais côtés surtout, qui forcent à mener des enquêtes pour trouver les coupables, de meurtre le plus souvent. Les trépassés peuvent être des extraterrestres, des clones ou bien leurs originaux (« La Mémoire du sable » de Di Rollo, « Ego Mnemosis » de Johan Heliot, « De l'autre côté du pont » de Kathleen A. Goonan). Mais on tue aussi chez les vieux : « Champs d'automne », de l'espagnol Daniel Mares est un petit bijou, un récit aussi surprenant par son originalité que grave et touchant dans ses développements. À l'ère des jeux cybernétiques (« Chupa Dumdum » de Jonas Lenn), des stations spatiales et des voyages interstellaires, il y a bien des trafics à démanteler et des scandales politiques à dénoncer. Didier Daeninckx, qui excelle dans ce dernier registre, revient sur l'attentat du 11 septembre et les commentaires contradictoires concernant celui du Pentagone (« Les Boueux de l'espace »), attentat qui est pour Valerio Evangelisti le prétexte à une féroce critique teintée d'un humour très noir (« Laurel & Hardy, Terror Detectives »). Andreas Eschbach ne joue pas réellement le jeu du polar avec son intrigue sur un vaisseau-génération, certes efficace mais banale, quand bien même l'enjeu de la tromperie aurait changé de nature (« Un Monde vierge »). Jean-Bernard Pouy, quant à lui, semble montrer trop de retenue avec son histoire de clone terroriste (« Et Moi et moi et moi »).

Si l'enquête reste convenue, les enquêteurs le sont moins : le couple humain-androïde de Di Rollo, le fameux Tem de Roland Wagner qui joue les Hercule Poirot pour l'occasion (« … Et personne n'est venu »), l'enquêteur évoluant dans des univers virtuels (« Le Petit réveil » de Jean-Pierre Hubert, délirant et brillant), la profileuse de Claire et Robert Belmas, une grand-mère qui s'offre un nouveau corps (« À n'importe quel prix »), jusqu'aux Sherlocks très originaux de Michel Pagel qui mélange allègrement les genres en faisant intervenir dans son lointain univers de la fusion un vampire et une elfe (« L'Enlèvement de la reine des feys ») ! On le voit, les déchets sont rares et l'ensemble de bonne tenue.

Restent deux récits surprenants tournant autour de l'art, archéologique dans le cas de « Charlie et ses drôles de dames », où Terry Bisson fait déboucher une banale enquête de meurtres sur une question touchant à la survie de l'humanité, et surréaliste avec « La Profession insipide de Jonathan Hornebom », de Jonathan Lethem : chargée de surveiller un peintre sans talent, l'enquêtrice découvre les pénétrants pouvoirs d'un objet de Max Ernst, l'Appareil photo-oiseau. Ce sont, avec Goonan et Mares, les quatre textes majeurs de l'anthologie, qui justifient à eux seuls son acquisition.

Claude ECKEN

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