John SCALZI
L'ATALANTE
144pp - 11,50 €
Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64
Il était une fois, dans une lointaine galaxie… Le Seigneur est un petit dieu devenu grand, depuis qu’il a vaincu ses semblables à l’issue d’un interminable conflit cosmique. Depuis lors, il fait l’objet d’une adoration exclusive de la part des multitudes. Les dieux défaits ont été asservis. Enkystés au sein d’immenses nefs spatiales, qu’ils propulsent à l’aide de leur énergie spirituelle, proprement machinisés, ils restent pourtant des créatures imprévisibles et dangereuses aspirant sans cesse à l’évasion, que seules retiennent captifs la foi inébranlable et les méthodes de tortures exotiques des équipages. Si sa foi ne saurait être mise en doute, Ean Tephe, commandant du Vertueux, se reconnaît de moins en moins dans le culte tout d’austérité que veut imposer un clergé omnipotent, aux prétentions intellectuelles exorbitantes malgré les faiblesses humaines qui l’entachent. Il entretient par ailleurs une trouble relation — de dégoût et de fascination mêlée — avec la déité renégate qui déplace son bâtiment de guerre. Lorsque l’épiscopat le rappelle pour aller porter la bonne parole du Seigneur sur une planète lointaine, Tephe accepte sans enthousiasme, séduit toutefois par la promesse d’une rapide ascension sociale. De la réussite ou de l’échec de cette mission (au sens d’évangélisation) pourrait bien dépendre la pérennité de la puissance du Seigneur et l’équilibre de son empire post-humain. Bien sûr, l’expédition mettra la foi de Tephe à rude épreuve, et il réalisera un peu tard le caractère tragique de l’itinéraire qu’il a emprunté et combien il sera difficile de l’infléchir…
Deus in machina est le septième roman paru en France de John Scalzi, auteur qui s’est distingué avec son cycle du Vieil homme et la guerre (même éditeur).
Une belle idée de base, qui consiste notamment à faire un livre hybride à cheval entre la SF et la dark fantasy, un incipit prométhéen (« L’heure était venue de fouetter le dieu. ») et un dénouement cynique, quelques séquences gores sympas qu’on dirait écrites pour le cinéma de genre, ainsi qu’une atmosphère poisseuse teintée de désespoir, tout cela est à mettre au crédit d’un roman qui, hélas, ne tient pas vraiment ses promesses, donnant l’impression de se défaire au fur et à mesure que progresse l’action. Ici, le mystère de la croyance, auquel Scalzi a voulu confronter le lecteur, n’est pas tant dû à l’opacité des mécanismes de la conscience qu’à des choix narratifs douteux. Construction chancelante, avec notamment une gestion désastreuse des ellipses, background défaillant, personnages peu fouillés et sans nuance, vacuité du discours antireligieux, écriture plate sont les principaux écueils à l’origine de ce résultat. Dommage, car les prémices autorisaient sans doute des développements plus ambitieux. On passe.