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Les critiques de Bifrost

Deux hommes dans les confins

Robert SHECKLEY
ARGYLL
208pp - 17,90 €

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

Argyll nous avait régalés, il y a deux ans, en publiant le recueil Le Temps des retrouvailles, de Robert Sheckley (cf. Bifrost n°106). Un choix pertinent de treize nouvelles écrites dans les années 50 donnait à lire un riche éventail du talent de satiriste de l’auteur américain né en 1928 et disparu en 2005. La maison d’édition remet ici ce dernier à l’honneur avec la sortie de Deux hommes dans les confins. Sa lecture toutefois ne soulève pas autant d’enthousiasme.

Huit textes sont regroupés dans ce recueil, dont deux inédits en français. Les sept premiers ont été écrits entre 1954 et 1956, et le dernier, plus tardif, date de 1986. Ils ont en commun de raconter les aventures rocambolesques de deux héros, Frank Arnold et Richard Gregor, s’improvisant décontamineurs de planètes par opportunisme dès « Spectre 5 », la première des nouvelles au sommaire. La paire fonctionne comme un duo comique — à la Laurel et Hardy, comme le note Leo Dhayer dans la postface à l’ouvrage — composé de deux caractères opposés et générateurs de péripéties périlleuses et rocambolesques. Arnold est le cerveau, couard mais impétueux, qui déniche pour leur petite affaire des contrats loufoques, généralement refusés par les compagnies concurrentes, et menant inévitablement à placer Gregor, les muscles du binôme, dans des situations dangereuses ou inconfortables. Chacun des récits est l’occasion d’une nouvelle mission, vers une nouvelle planète, où le pauvre Gregor doit faire preuve d’ingéniosité pour se sortir des mauvaises passes où son ami le plonge. Le lecteur, lui, voit arriver de loin les problèmes, car Robert Sheckley manie aussi bien l’inconséquence de ses personnages que la logique de l’univers qui les entoure. Arnold et Gregor sont ainsi bien souvent les seuls responsables des situations absurdes dans lesquelles ils doivent se débattre. Le moteur est ici le comique de situation — qui n’échappe pas à la caricature.

Dans sa préface, le regretté Philippe Curval met en avant la dimension satirique des écrits de Sheckley, évidente ici, où l’auteur moque les travers de l’appât du gain au-delà de toute raison et l’expansionnisme de l’Homme qui ne considère les territoires qu’il occupe qu’en terme de profits. Mais cette dimension se heurte au côté burlesque des aventures des deux compères en infortune, et n’a jamais la finesse qu’on trouvait dans Le Temps des retrouvailles. Si on s’amuse à lire ces huit textes qui ont le charme suranné de l’âge d’or, on referme le recueil moins émerveillé qu’on a pu l’être par d’autres textes de Robert Sheckley.

FEYD RAUTHA

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