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Les critiques de Bifrost

Diaspora

Greg EGAN
GOLLANCZ

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Fin du troisième millénaire. L’humanité s’est divisée en trois groupes distincts, n’entretenant guère de relations entre eux. Arpentant une Terre quasi-désertée, il y a les « fleshers », ces humains qui ont conservé leur corps et manipulé extensivement leur génome. Sur la Lune et dans les astéroïdes, on trouve les gleisners : un esprit humain dans un corps robotique. Enfin, les derniers ont choisi la numérisation et l’abandon complet de la corporalité, et vivent dans les polis, ces cités virtuelles tournant sur des serveurs profondément enfouis sous terre. Les choses pourraient continuer ainsi pendant encore des millénaires… mais l’étude des ondes gravitationnelles révèle qu’un couple d’étoiles à neutrons va entrer en collision, événement cataclysmique qui noiera la Terre sous un déluge mortel de rayons gamma. Si les gleisners et les citoyens des polis ne craignent rien, est-il possible de sauver les fleshers ? Surtout, est-il possible de garantir la survie de l’humanité sur le très long terme, d’être à l’abri de n’importe quel aléa stellaire ? Alors que les gleisners et les polis se lancent chacun de leur côté vers les étoiles proches – la diaspora du titre –, certains tentent de mettre au point une théorie expliquant la nature profonde de notre univers.

Diaspora tisse des liens avec trois autres nouvelles : « Les Tapis de Wang », entièrement intégré au roman, « Rêves de transition », où l’on suit le transfert de l’esprit du narrateur dans un robot gleisner, et « La Plongée de Planck », où des habitants d’une polis explorent l’intérieur d’un trou noir. Cet ensemble de textes forme l’étape logique dans l’œuvre d’Egan, préparant le terrain pour la suite : des romans prenant place dans un futur de plus en plus lointain, des personnages qui servent surtout de moyens pour l’énoncé des idées – personnages pour qui posséder un corps n’est qu’un attachement incongru au passé.

C’est peu de le dire, Diaspora est un roman exigeant, plus encore que ses prédécesseurs. Le premier chapitre, d’une rare complexité technique, annonce la couleur, avec la description de la naissance d’un orphelin dans une polis. Plus loin, de nombreuses discussions portant sur la nature physique de l’univers risquent de laisser plus d’un lecteur sur le carreau. Illisible ? En rien. D’autant que l’auteur prend à bras le corps une thématique cruciale, celle de la survie dans un univers indifférent où la vie n’est rien d’autre qu’un accident. Pour qui fait l’effort de suivre Egan, Diaspora s’avère aussi passionnant que vertigineux —?jusqu’à sa dernière page. Chef-d’œuvre qu’on espère un jour lire en français, ce quatrième roman se mérite.

Erwann PERCHOC

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