Tout a déjà été dit, ou presque, sur Frankenstein et sur Mary Shelley, qui, à 19 ans seulement, écrivit un roman destiné à devenir un mythe. Le bicentenaire de sa parution méritait bien un dictionnaire permettant de revenir aussi bien sur des aspects connus ou méconnus de l’œuvre qu’explorer sa postérité, riche d’adaptations et d’avatars dans tous les domaines.
Cent dix-neuf entrées permettent de naviguer entre les thèmes et les détails biobibliographies : elles vont de la notule brève, voire ultra-brève (une ligne), à l’article courant sur plusieurs pages. Les plus fouillés et les plus intéressants concernent l’œuvre originale, les conditions de sa création et ses acteurs : outre Mary Shelley et Percy Shelley, dont on sait qu’il relut le manuscrit et rédigea la première préface, Claire et George Gordon Byron, leur fils William, le médecin de Byron, Polidori, au bord du lac de Genève, au cours de cet été pluvieux de 1816 suite à un hiver volcanique causé par l’éruption du Tambora en Indonésie. On délivre ainsi, au fil des entrées, des informations sur la portée de l’œuvre, sa résonance philosophique, le contexte social et politique, la chronologie du roman et sa réception critique, ainsi que sur la riche carrière de la créature, qui alla jusqu’à usurper le nom de son créateur. Celle-ci est essentiellement cinématographique, et on trouvera aussi bien les articles consacrés à James Whale, Boris Karloff, qu’au Rocky Horror Picture Show et même aux nanars regroupés à part. C’est moins le cas dans la littérature, si foisonnante en références et clins d’œil que seul un survol est effectué en une seule entrée, de Benoît Becker à Brian Aldiss, en passant par Tim Powers et Dean Koontz. Idem pour les adaptations, reprises et pastiches dans le théâtre, la bande dessinée et la chanson, qui recense par exemple un Frankenstein de Serge Gainsbourg.
Quelques entrées sont dispensables, consacrées aux autres monstres sacrés du fantastique et à leurs représentants. Passe pour Bela Lugosi, qui refusa le rôle de la créature, mais Fu Manchu, le Dr Moreau, King Kong et Jekyll et Hyde n’ont pas réellement leur place ici, pas plus que les entréesfantastique, science-fiction, roman populaire, gothique et historique, notules trop schématiques, discutables, voire partiellement fausses, qui ne servent qu’à gonfler le nombre d’entrées.
Claude Aziza, spécialiste des littératures populaires anciennes, mais pas réellement connaisseur de la science-fiction, récuse le qualificatif SF au roman de Mary Shelley, alors qu’il signait, en 1986, avec Jacques Goimard, une Encyclopédie de poche de la science-fiction (un Guide de lecture reprenant les fiches pédagogiques des titres publiés chez Pocket) citant le roman de Shelley parmi les principales dates de la science-fiction : l’autorité du co-auteur avait prévalu ou un revirement s’est opéré depuis. Pour Aziza, Frankenstein ne contient aucun des éléments spécifiques à la SF, le recours aux découvertes scientifiques de son temps n’étant pas utilisé ici comme facteur romanesque (c’est exactement le contraire, comme Aziza l’indique lui-même par ailleurs), ne serait-ce que parce que le roman est placé sous le signe de Prométhée, et donc du mythe. L’argument est grossier. Il amènerait à retirer nombre de titres basés sur la mythologie.
Un avis mitigé, donc, en raison de quelques faiblesses, mais un ouvrage à recommander malgré tout pour l’érudition et la facilité de consultation. Il sera beaucoup pardonné à Claude Aziza pour le bel hommage à la mère de la créature, sobrement intitulé Mary : « Je vous salue, Mary, pleine de glace. Et de feu. » À bien des égards, il s’agit là d’un dictionnaire amoureux.