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Les critiques de Bifrost

Dictionnaire Tolkien

COLLECTIF
CNRS
676pp - 38,45 €

Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76

Sans contestation possible, Vincent Ferré est le spécialiste français de Tolkien. Agrégé de lettres modernes, ancien lecteur au Trinity College de Cambridge, aujourd’hui professeur de littérature générale et comparée à l’université Paris-Est Créteil, c’est à lui qu’on doit les dernières éditions de Tolkien en France chez Christian Bourgois, éditeur auprès duquel il supervise tout travaux concernant de près ou de loin notre bon papy John Ronald Reuel (tout en dirigeant la collection « Médiévalisme(s) » aux éditions du CNRS, dans laquelle on retrouve le Tolkien et ses légendes de notre collaboratrice Isabelle Pantin évoqué plus haut). Bref, Vincent Ferré et Tolkien, vielle histoire s’il en est, c’est du lourd, du costaud, du très sérieux. Ainsi, quand notre spécialiste s’entoure de soixante-trois collaborateurs (tout de même !) pour nous proposer un dictionnaire encyclopédique de plus d’un kilo (1,2 kg, pour être précis ; j’ai vérifié !) comportant trois cent quarante notices sur pas loin de sept cents pages, le tout représentant plus de deux millions et demi de signes, autant dire qu’on s’attend à avoir du solide. Et force est de constater qu’on n’est pas déçu, loin s’en faut. Tout y passe, en fait, de l’œuvre elle-même (contexte, origine, constitution et constituants), y compris ses rameaux les moins connus et/ou inédits en français, ses sources (Beowulf, qualifié « d’une des plus importantes inspirations de Tolkien », Wagner, ou plutôt l’antiwagnérisme, l’Edda…), continuateurs et enrichisseurs (Alan Lee, John Howe, Peter Jackson et compagnie), sans oublier, de fait, les supports dérivés (cinéma, jeux de rôle, etc.), mais aussi l’auteur lui-même, sa vie, ses proches, femme, enfants et petits-enfants, et bien sûr quantité de mots clés (« sacrifice », « guerre », « religion »…). De là à faire du présent Dictionnaire un incontournable pour tout amateur tolkienien digne de ce nom, il n’y a qu’un pas qu’on s’empressera de franchir sans sourciller. Naturellement, l’esprit chagrin, le Sauron en chacun de nous, en somme, ne manquera pas de relever quelques coquilles agaçantes, surtout au regard de la haute tenue globale du propos (et de ceux qui les tiennent, tous ou presque universitaires, qui jamais (ou quasi) ne versent dans l’abscons), ou encore un manque d’uniformité dans le ton (soixante-trois collaborateurs, rappelons-le) qui rappelle qu’un polissage supplémentaire de l’ensemble n’aurait peut-être pas été de trop. Enfin, bien sûr, l’actualité autour de Tolkien étant ce qu’elle est, certaines entrées mériteraient déjà quelques mises à jour (la traduction de Beowulf par Tolkien est désormais disponible, par exemple). Mais quoi ? Ce Dictionnaire Tolkien, au sein d’un corpus critique pourtant fort chargé, s’impose d’emblée comme imparable, une somme passionnante qui à elle seule, par la richesse de l’œuvre qu’elle expose et décrypte, achèvera de convaincre quiconque de l’importance majeure de son sujet dans le champ littéraire mondial — et au diable la quarantaine d’euros qu’il vous en coûtera, ce livre les vaut, et de beaucoup.

Olivier GIRARD

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