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Les critiques de Bifrost

Dimension URSS

Dimension URSS

Valeri BRIOUSSOV, Alexandre BELIAEV, Vladimir SAVTCHENKO, Valentina JOURAVLEVA, Dimitri BILENKINE, Karen A. SIMONIAN, Roman PODOLNY, Victor KOLOUPAEV, Vladimir DROZD, Kir BOULYTCHEV, Valentina SOLOVIOVA, Vladimir POKROVSKI, Pavel AMNOUEL
BLACK COAT PRESS
300pp - 20,00 €

Bifrost n° 55

Critique parue en juillet 2009 dans Bifrost n° 55

On oppose souvent « amateur » à « professionnel », or il convient de rappeler que le premier terme dérive de la même racine (latine) que le verbe « aimer », et c'est à un véritable travail d'amateur, dans l'acception la plus noble du mot, que nous convie Dimension URSS, une anthologie à dimension historique, mais à la vocation plus littéraire qu'on pourrait le croire.

Cela commence pourtant assez mal. La préface de Patrice Lajoye, où il explique sa démarche de proposer un complément aux précédents recueils couvrant cette littérature, dont le « Livre d'or » Science-fiction soviétique (Leonid Heller, Presses-Pocket, 1984), n'est certes pas en cause, mais il faudra un brin de bonne volonté au lecteur pour aller au bout de la pièce de théâtre de Valeri Brioussov, « La Terre, scène des temps futurs » : même si le décor, notre planète enchâssée dans une ville géante désormais presque vide à la suite du déclin de l'humanité, et l'ambiance, une fin du monde feutrée, peuvent séduire, les péroraisons de ses protagonistes valent un bon Valium. (Et, publiée en 1904, elle n'appartient pas stricto sensu à la période concernée.) Le style reste très pesant dans « Au-dessus du néant » (1927), d'Alexandre Beliaev, le comble pour une nouvelle traitant de l'annihilation de la gravité — ceci dit, dans Amazing Stories, à la même époque, on ne faisait pas mieux…

Puis, dès « L'Eveil du professeur Berne » (1956), de Vladimir Savtchenko, le niveau d'ensemble s'élève nettement pour ne plus trop redescendre ; ce texte à chute n'aurait guère paru déplacé dans un Galaxy de la même période. Avec « L'Astronaute » (1960), de Valentina Jouravlovia, on est plutôt dans l'école Astounding, et non loin des nouvelles d'un Tom Godwin ; il s'agit du premier texte vraiment émouvant de l'anthologie. « Sur un sentier poudreux » (1966), de Dmitri Bilenkine, apparaît plus mineur, une vignette à la Fredric Brown sans l'humour, mais « Le Pré » (1968), de Karen A. Simonian, aurait pu être signé par Simak ou Sturgeon. « Une Dernière histoire de télépathie » (1976), de Roman Podolny, démontre une fois de plus à quel point l'art du récit bref est difficile, quelle que soit la langue, et « Quels drôles d'arbres » (1975), de Victor Koloupaev, manque un peu sa cible malgré une narration habile, à cause d'une pirouette finale qui l'est moins.

S'enchaînent ensuite trois récits majeurs. « Pygmalion » (non daté), de Vladimir Drozd, une variation poétique et nostalgique sur le mythe classique, bénéficie d'une belle écriture joliment rendue (malgré la révision des traductions, pour la plupart issues de la revue Lettres soviétiques, reconnaissons que tous les textes n'ont pas cette chance), « Un Cheechako dans le désert » (1981), de Kir Boulytchov, nous ramène vers une science-fiction plus dure, avec une réussite certaine, tandis que « La Station intermédiaire » (1984), de Valentina Soloviova, aborde le fantastique ou le fantasmatique : l'auteure se met en scène dans une nouvelle qui évoque un épisode de La Quatrième dimension scénarisé par Philip K. Dick.

« La Toute dernière guerre au monde » (1984 encore), de Vladimir Pokrovski, et « Vingt milliards d'années après la fin du monde » (1984 toujours), de Pavel Amnouel, m'ont moins convaincu, car il s'agit de textes plus militants (militants pour la paix, ceci dit), mais le recueil s'achève en beauté sur un second récit de Karen A. Simonian, « Le Saule épanché et le roseau tremblant » (non daté), qui confirme le talent de la dame et son goût pour les ambiances inquiètes.

Enfin, il s'achève pour les fictions, car on peut encore lire une étude de Patrice Lajoye et admirer une galerie de couvertures, reproduites en noir et blanc. Bref, cette somme plaisante et roborative fait honneur aux « amateurs » un peu fêlés qui dirigent Rivière Blanche. Spassiba, camarades.

Pierre-Paul DURASTANTI

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