Depuis 1300 ans et la fin du combat contre le Rôdeur, incarnation du mal, les Druides règnent sans partage sur la forêt sacrée selon les principes rigides du pacte. Puissants et sages, ils conseillent les rois, riches de leurs connaissances, veillant sur le mur du Rôdeur afin de préserver les hommes du mal. Leur forêt est entourée de deux royaumes rivaux depuis des siècles, dont l’histoire commune se résume à une longue guerre hachée de trêves destinées à mieux préparer les conflits suivants. La terre est peu fertile, les cieux inhospitaliers, le climat hostile et les temps durs. Le monde n’est clairement pas une partie de plaisir et les hommes y survivent plus qu’ils n’y prospèrent. Un précaire équilibre des forces qui vole en éclat lorsqu’une partie de la garnison d’un fort de l’un des deux royaumes est massacrée de manière aussi brutale qu’inhumaine. Les deux rois se rencontrent alors immédiatement au lieu sacré et traditionnel des pourparlers entre les deux puissances afin d’évoquer cette tragédie. Le royaume agressé donne vingt-et-un jours aux Druides neutres et sages pour disculper le royaume ennemi. Passé ce délai ce sera la guerre, la dernière, celle qui, selon la prophétie, scellera une fois pour toutes les différends entre les deux nations antagonistes. Obrigan, druide de l’ordre des Loups, est chargé de cette enquête cruciale pour l’équilibre des nations mais également, comme il va le découvrir, pour la survie même de la forêt sacrée. Au fil de ses investigations c’est l’histoire du monde, et jusqu’à l’origine du pacte qui vont être révélées, changeant pour toujours la forêt des Druides et ses habitants…
Druide est le premier roman de son auteur, un roman qui, bien qu’imparfait, possède de réels atouts. Le monde est fouillé, cohérent, aussi « réaliste » que l’on peut se l’imaginer, et l’intrigue à plusieurs niveaux gagne en crédibilité en s’appuyant de manière habile sur l’ensemble des informations et légendes du contexte. Les personnages sont attachants et les dialogues, souvent superbes, évoquent ça et là le ton véritable des légendes arthuriennes ; une qualité littéraire qui rappelle combien parfois lire un ouvrage directement écrit en français plutôt que traduit, ce qui n’est pas si courant dans nos domaines, peu s’avérer rafraîchissant. Bref, un roman plaisant mais qui, on l’a dit, n’est pas exempt de défauts. Un monde de glace protégé des hordes ennemies par une muraille gardée par un ordre neutre et ancien, des roitelets belliqueux survivant sur une terre hostile — voilà qui évoque furieusement Le Trône de Fer de George R. R. Martin, au point que ça en devient parfois gênant… Certes, la ressemblance s’arrête là, et d’ailleurs Martin s’est sans doute lui-même inspiré du mur d’Hadrien et de la Bretagne antique, mais malgré tout un tel écho nuit à la crédibilité générale du livre et gâche un peu cet univers fouillé aux idées et concepts par ailleurs plutôt originaux. Péché véniel ? Peut-être. Plus problématique en revanche est le rythme de Druide, un ouvrage auquel 150 pages de moins auraient sans doute apporté un souffle épique, une accélération salvatrice là où la narration avance parfois d’un auguste pas de sénateur. On ne s’ennuie pas, le texte n’est jamais pénible, mais on aimerait juste que les pages se tournent plus vite. Faut-il y voir le signe qu’il manque ici un véritable éditeur capable de faire revoir sa copie à l’auteur ? Probablement. Il faut dire que si Druide est le premier roman d’Olivier Peru, c’est aussi le premier livre français publié par Eclipse, un constat qui transparait également dans les coquilles et autres mots manquants qui parsèment le texte, signes révélateur d’un processus d’editing approximatif et pas au point.
Reste un auteur à surveiller néanmoins, car Olivier Peru signe avec ce premier roman une fort honorable aventure fantastique, francophone de surcroît. Aussi, pourquoi bouder son plaisir ?