Harlan ELLISON
MARABOUT - GERARD
256pp
Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117
Paru deux ans après Ainsi sera-t-il, en France comme aux USA, Du pays de la peur réunit paradoxalement des textes plus anciens, datant pour la plupart de la seconde moitié des années 50. Ils sont également plus courts, et pour certains semblent avant tout relever de l’exercice de style. C’est par exemple le cas de « Bataille sans étendard », baroud d’honneur d’évadés de prison qui fleure bon la sueur et la cordite, « Le Pleureur », un crime pas si parfait que ça, ou « Le Temps de l’œil », romance qui coche toutes les cases du genre avant de déraper vers l’horreur dans ses ultimes phrases. Ellison s’essaie d’ailleurs ici, à plusieurs reprises, à la nouvelle à chute, avec plus ou moins de bonheur. La révélation finale de « Mon frère Paulie », histoire d’un pilote de fusée expérimentale harcelé en plein vol par son jumeau, ne surprend guère, tandis que celle de « La Voix dans le jardin » a le mérite de la brièveté et, surtout, de détourner l’une des chutes les plus éculées de la science-fiction.
À l’instar de son grand ami Isaac Asimov, Harlan Ellison met également en scène nombre de robots dans ces nouvelles, mais sans jamais s’embarrasser des fameuses Trois lois de la robotique. Ce que ne manquera pas de regretter le personnage principal de « Module de secours », qui pensait avoir échappé à la mort en trouvant refuge dans un abri spatial, pour, au final, devoir faire face à un robot détraqué qui n’aura de cesse d’essayer de le tuer. Celui que l’on découvre dans « Le Voyageur » ne se soucie guère plus du bien-être de l’humanité, quand bien même il éprouve une fidélité sans borne à l’égard de son créateur, disparu des siècles plus tôt. Quant à ceux d’« Un Ami de l’homme », ils feront preuve de la même efficacité et de la même persévérance pour servir les humains ou pour les éradiquer.
Autant de textes qui démontrent si besoin était le professionnalisme d’Ellison à cette époque, mais qui peinent à rivaliser avec ceux au sommaire d’Ainsi sera-t-il. Seuls deux y parviennent. « Les Cieux enflammés », tout d’abord, sidérante vision de créatures extraterrestres venues mourir dans l’atmosphère terrestre en donnant naissance à un spectacle aussi magnifique que tragique. Et puis « Soldat », dont les deux versions occupent plus du tiers du volume. La première, initialement parue en 1957 dans la revue Fantastic Universe, est un plaidoyer aussi sincère que naïf contre la guerre. La seconde est le scénario qu’Ellison en tira pour la série télé The Outer Limits. Le cadre est le même, l’histoire d’un combattant d’une guerre éternelle future, transporté accidentellement à notre époque, mais l’accent est cette fois mis sur l’incapacité pour ce soldat à remettre en question sa programmation dans le but de s’adapter. Vingt ans plus tard, l’auteur accusera James Cameron de s’en être inspiré pour écrire Terminator, et en tirera de substantiels revenus.