Tout commence par une innocente plaisanterie : lors d’une soirée entre amis, Phil hypnotise son beau-frère Tom Wallace. Lors que ce dernier revient à lui, tout le monde, sa femme, Anne, en tête, assure qu’il a fait un excellent sujet. Il a régressé dans son enfance, supporté des aiguilles plantées dans la gorge, et ainsi de suite. Rien que de très classique, en somme.
Les choses vont bientôt se gâter. Des rêves, puis des visions, d’une inconnue silencieuse au regard intense, troublent Tom. Des sensations lui viennent, presque télépathiques, à l’égard de ses voisins, mais aussi d’événements plus lointains. Il essaie d’abord de les nier, mais ses cauchemars s’aggravent et ses prémonitions se réalisent alors qu’il doit combattre l’incrédulité et l’angoisse de son épouse enceinte.
Serait-il, simplement, proche de la folie ?
Qu’exprime la femme qui le hante, dont les Wallace découvrent qu’il s’agit de l’ancienne occupante de leur maison ? Le désir de retrouver la Californie alors qu’elle habiterait dans l’Est des USA depuis un an ? Ou un besoin plus primal de vengeance – peut-être par-delà la tombe ? Tandis que les masques tombent dans cet environnement si petit-bourgeois, si normal, les dons de médium que Tom semble avoir acquis éclairciront-ils le mystère ou causeront-ils la faillite de son mariage, voire pis ?
Voici un peu l’oublié de la production fantastique mathesonienne, la faute à une traduction tardive (au demeurant excellente, due à la plume toujours inspirée d’un grand spécialiste du polar, Jean-Paul Gratias) chez un éditeur marginal, qu’une réédition chez Rivages et une belle adaptation à l’écran, Hypnose (réalisée et scénarisée par David Koepp, une pointure, avec un Kevin Bacon remarquable), datant toutes deux de 2000 en France, n’ont pas vraiment réussi à mettre en lumière.
C’est bien regrettable, car cet Échos, un modèle de concision, d’efficacité, brosse un portrait très acide de la banlieue américaine proprette et de la famille normale, ces idéaux de l’American way of life d’alors, à la charnière des années 50 et 60, tout en présentant avec passion l’une des obsessions de l’auteur, son intérêt pour le paranormal, auquel il a consacré divers romans, mais aussi des essais (ces derniers publiés tardivement).
Tout comme avec La Maison des damnés – quoique moins crûment, époque oblige –, le sexe joue un rôle crucial dans la genèse du mystère et la dynamique des couples plus ou moins cabossés qui forment le casting ; et comme avec Au-delà de nos rêves, la question de l’au-delà se pose, même si Matheson, peut-être plus timoré à cette étape de sa carrière, choisit cette fois de botter en touche.
Il va falloir courir les bouquinistes, ou jouer de la souris sur la toile, puisque ce livre est épuisé par chez nous, mais cet effort devrait à mon sens récompenser le lecteur ou la lectrice qui apprécie son fantastique nuancé d’une bonne dose d’ambiguïté – dans une certaine mesure et jusqu’à un certain point. On en retirera aussi une meilleure compréhension de l’individu Matheson, qui a de toute évidence mis une bonne part de lui-même (comme souvent, ainsi qu’il le reconnaît volontiers), dans son héros ; il suffit de voir le prénom de son fils, ainsi que le milieu décrit, aux accents de vécu.
Enfin, je le répète, on peut apprécier le film en parallèle. Que demander de plus ?