Jean-Marc LIGNY
LE PEUPLE DE MÜ
480pp - 25,00 €
Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117
Après l’explosion d’une usine chimique dans la banlieue de Lyon, un petit groupe hétéroclite, pour moitié jeunes d’une cité défavorisée, pour l’autre militants écologistes, s’engage dans l’action directe au nom de la protection de l’environnement. S’attaquant aux riches patrons des industries les plus polluantes, les EcoWarriors basculent rapidement dans la violence armée. Deux officiers de la SDAT (sous-direction anti-terroriste de la police judiciaire) se lancent à leurs trousses.
Le « nouveau » roman de Jean-Marc Ligny ne relève qu’à la marge de la science-fiction. Si l’on excepte Diana, l’IA qui appuie les policiers du SDAT, nettement plus performante que celles de notre époque (mais pour combien de temps ?), on est dans un roman d’action et de réflexion politique sur le recours à la violence dans le militantisme écologiste, une version moderne du Gang de la clef à molette où les wesh-wesh et les mouvements du type Soulèvements de la Terre remplacent les hippies et les vétérans du Vietnam.
Mais là où Edward Abbey livrait un récit picaresque et jubilatoire, l’auteur de Jihad et de AquaTM développe une vision sombre de l’activisme écologique. Confrontés à l’inefficacité des actions non-violentes et à l’alliance entre le capitalisme et les forces de l’ordre, les défenseurs de l’environnement ont-ils d’autres solutions que l’écoterrorisme ? C’est cette question que Ligny développe sur près de 500 pages d’un page-turner efficace mais qui souffre de quelques défauts.
Réécriture d’un roman pour adolescents publié en 2010 chez Intervista, GreenWar (que nous n’avons pas lu), EcoWarriors contient de nombreux clichés, des personnages stéréotypés à la psychologie simpliste, des méchants caricaturaux… L’intrigue est également affaiblie par beaucoup de facilités. Quelle chance d’avoir un voisin trafiquant d’armes qui fournit complaisamment un arsenal digne d’un film de guerre ! Quant à Marjorie, l’informaticienne du groupe, sa facilité à venir à bout de tous les systèmes de sécurité désamorce une partie du suspens : hacker vaillant rien d’impossible, certes, mais on aurait apprécié un peu plus de réalisme.
Malgré ces réserves, ce roman efficace et rythmé présente l’intérêt d’aborder des problématiques comme les limites de la non-violence dans le militantisme, ou encore la remise en cause radicale du modèle actuel pour éviter la catastrophe écologique vers laquelle nous fonçons. Si la fin du roman, un peu expéditive, laisse ces questions en suspens, l’avant-dernière partie, « Al liorzh », est sans doute la plus intéressante sur ce sujet en confrontant deux visions, l’une isolationniste, l’autre révolutionnaire. On saura gré à Jean-Marc Ligny d’amener son lectorat à réfléchir sur ce débat actuel à travers un roman d’action qui se lit facilement.