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Les critiques de Bifrost

Efroyabl ange1

Efroyabl ange1

Iain M. BANKS
OEIL D'OR (L')
304pp - 18,00 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

La majeure partie de l’humanité a quitté la Terre à bord de grands vaisseaux à destination des étoiles, laissant derrière elle une poignée d’humains qui, les siècles passant, ont oublié le fonctionnement des technologies qu’ils utilisent. Ils se regroupent sous la direction d’un roi qui règne dans la grande tour, haute de plusieurs kilomètres, et dont on raconte qu’elle a abrité jadis un ascenseur spatial. Sauvegardés régulièrement grâce à leurs implants, ils disposent de sept vies dans ce monde et de sept autres encore dans la Crypte, un réseau informatique dont les couches accueillent aussi bien les informations, auxquelles tous peuvent accéder, que la personnalité des trépassés, et plus encore. Mais la Crypte est rongée au plus profond par le chaos, et lorsque la nouvelle arrive de la Dévoration, une catastrophe cosmique qui va anéantir toute vie sur Terre, qui sauvera le monde ? Pas le roi, qui ne cherche que sa propre survie, ni la faction rebelle des Ingénieurs, qui ne vaut pas mieux. Alors qui ? Ils seront quatre. Quatre narrateurs : un militaire mort trop de fois, une savante dissidente, un jeune moine à l’élocution sauvage et une jeune enfant qui vient de naître. Quatre voix qui se succèdent pour raconter la quête d’un effroyable engin pour sauver le monde.

La liste des romans appartenant au cycle de la « Culture » est établie, et Efroyabl Ange1 n’en fait pas partie. Et pourtant, le lecteur distrait pourrait s’y méprendre et on lui pardonnerait tant ce récit semble être celui de la Terre après qu’une partie de l’humanité se soit envolée rejoindre la grande civilisation intergalactique. Tant on retrouve des thématiques communes avec l’œuvre majeure de Banks. On avoue être très tenté de voir derrière les deus ex machina qui hantent ces pages la main de Circonstances Spéciales.

Il l’a montré au sein de la « Culture » comme en dehors, Iain M. Banks était un expérimentateur de la forme littéraire. Efroyabl Ange1 s’avère un roman expérimental, dans sa construction comme dans son écriture. La polyphonie de la narration autorise un jeu de forme. Ce roman ne serait pas ce qu’il est sans le personnage de Bascule, le jeune moine. Il prévient lui-même : « jé anefé kelkö choz de kuriözman branché dan lö servo, ski fé kö jö ne pö pa ékrir normalman. Tou skö jékri sor en fonétik ». Et comme Iain M. Banks n’était pas du genre à abandonner une bonne blague au milieu du gué, il va jusqu’à introduire des dialogues avec des personnages qui zézaient ou chuintent… en phonétique. Si la lecture n’en est pas des plus aisées, c’est le témoignage de Bascule, ludique et flamboyant, qui fait l’attrait de l’œuvre. Efroyabl Ange1 était réputé intraduisible, il a fallu l’envie d’un éditeur (Jean-Luc A. d’Asciano pour L’Œil d’or) et le talent d’une traductrice (Anne-Sylvie Homassel) pour mener à bien l’entreprise près de vingt ans après sa publication originale.

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