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Les critiques de Bifrost

Électrons libres

Bernard HENNINGER
BLOGGER DE LOIRE
368pp - 21,00 €

Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118

Sur la planète Xing Diao, du système de Tayang, vit une bien étrange espèce : les Nouma, qui naissent humains, puis, l’adolescence venue, se transforment en Aigles, Griffes (chauve-souris), Lézards et Humains. Ce n’est pas une transformation totale. Aigles et Griffes se voient pousser des ailes qui les apparentent davantage aux anges et démons de l’iconographie chrétienne qu’aux véritables animaux, puisqu’ils ont six membres, tout comme les Lézards. Seuls les Humains demeurent avec quatre membres. Par ailleurs, les Nouma semblent rester interféconds, et les coïts sont forts abondants — si l’on en juge par la redondance des scènes dans le roman en tout cas.

Deux empires se partagent Xing Diao. Le Bai Jiao, d’où vient Hougar (le héros), est une dictature religieuse. Tandis que l’empire du Javert est une tyrannie militaire dont le pays Dong est un protectorat socialiste, voire communiste. Il existe une hiérarchie floue dominée par les Aigles, puis les Griffes, les Lézards et enfin les Humains, qui sont dits racistes mais semblent plutôt racisés au vu du cas de Laura Kepnel, génie absolue en maths, biologie, botanique, génétique, physique quantique, véritable culturiste d’une adresse extraordinaire, persécutée et reléguée à un job d’ouvrière agricole parce qu’elle est une femme humaine, gauchère qui plus est. Comme de juste, les deux empires sont en guerre depuis des lustres pour s’approprier les richesses de la planète glacée Xing Ling, à la pesanteur élevée.

L’histoire. Quelle histoire ? Le Javert monte une expédition vers Xing Ling, dont bien peu reviendront, alors que les deux mondes sont en conjonction. L’expédition en question est préparée… puis advient. Devenu officier au Javert, Hougar est en fait un agent dormant du Bai Jiao. Où il couche. Beaucoup. Avec Laura Kepnel, Dirakoul, Guajira et Sinigate. Au point qu’on flirte ici avec le roman érotique. Admettons…

L’ambition de l’auteur est de dépeindre une société étrangère à la manière d’Ursula K. Le Guin pour, en regard, livrer un commentaire sur la nôtre. Mais n’est pas Le Guin (ethnologue de formation) qui veut. L’ouvrage semble n’avoir été ni dirigé ni travaillé. Et s’avère tant perclus de contradictions et d’incohérences à tous niveaux que la lecture en devient vite pénible. Pour interplanétaire qu’elle soit, cette civilisation n’en semble pas moins ignorer l’électronique. Le Bai Jiao paraît peu décidé à profiter de la conjonction pour lancer une expédition concurrente. La couleur des ailes de Hougar change. On trouve des termes inappropriés et hors contexte (« caillera », p. 165, par exemple). La télépathie s’invite soudain (p. 212). Xing Ling est la troisième planète du système (p. 268), mais l’illustration (p. 130) montre qu’elle est la cinquième. Les Nouma adultes peuvent muter une nouvelle fois, et même se retrouver handicapés, avec une seule aile ou plus de bras. Et encore, et encore…

Au point d’en sortir rincé… et puissamment agacé. Sans même parler des fautes d’accord et de syntaxe. Décidément, il y a ici bien peu à sauver, et on a connu ce petit éditeur, Blogger de Loire, bien plus éclairé dans ses choix éditoriaux.

 

 

 

Jean-Pierre LION

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