L.E. MODESITT
ROBERT LAFFONT
408pp - 22,00 €
Critique parue en janvier 2009 dans Bifrost n° 53
Sur Devanta, Blaine Donne, un ex-membre des services spéciaux tentant d'assurer l'ordre à travers la Galaxie humaine, désormais enquêteur privé le jour et devenant la nuit l'Ombre, défenseur de la veuve et de l'orphelin, se voit confier dans le même temps trois missions très différentes mais qui toutes renvoient à la même affaire. La première demande d'établir le lien entre l'entreprise Eloi, société de jeux et de divertissements dirigée par deux frères plutôt mafieux, Judeon Maraniss, un physicien sur la touche, et Elyseum, un nom qui ne dit rien à personne. Par ailleurs, Donne doit réaliser une enquête de moralité sur le Dr Dyorr, médecin en vue de l'Institut Multitechnique spécialisé dans la plasticité de la conscience, dont la liaison avec la future héritière d'une grande fortune n'est peut-être pas désintéressée. Enfin, on lui demande de retrouver une certaine Maureen Gonne, ex Stella Strong, afin qu'elle puisse hériter d'une fortune. Et puis, comme si ça ne suffisait pas, il accepte d'aider, de façon plus ou moins bénévole, Lemmy, un inventeur inspiré mais désargenté qui s'échine à prouver qu'Eloi Entreprise lui a piraté un brevet touchant à la physique quantique. Et à nouveau, il est question d'Elyseum… Dès le début, des accidents trop rapprochés et surtout trop extraordinaires pour ne pas être des attentats lui permettent de comprendre qu'une ou plusieurs de ses enquêtes gênent du monde… et le rendent suspect auprès des autorités. À Thurene, la capitale de Devanta, les Civitas Sores ne rigolent pas avec le respect des lois.
Heureusement, Krij, la sœur de Blaine, redoutable femme d'affaires, en tant qu'auditrice pour des sociétés et de riches particuliers, est suffisamment au courant de la vie de la cité pour l'aider dans son enquête, notamment par l'entremise d'une de ses assistantes, Siendra, afin de débrouiller cet écheveau qui dépasse largement le cadre planétaire et semble mettre en péril l'univers entier. Il est d'ailleurs conseillé de ne pas lire le résumé au dos du livre, qui donne la solution avant l'heure, au risque de gâcher son plaisir de lecture en voyant quels artifices l'auteur met en œuvre pour retarder la révélation, multipliant les personnages et les intrigues secondaires dans le but d'étoffer une trame somme toute banale, détours qui lui permettent cependant de camper sa société huppée et son élite raffinée.
Par bien des aspects, la Galaxie humaine a des allures de Far West interstellaire, Blaine rappelle Philip Marlowe et les personnages de cette enquête policière qui fleure bon les années 40, des figures à la Vance ou Hamilton. Bref, il s'agit là d'un space opera à l'ancienne réactualisé avec une technologie contemporaine, de l'informatique omniprésente au biologique en passant par des applications issues de la mécanique quantique. Plutôt que de gommer ces poncifs, Modesitt les exhibe et en joue en accumulant les allusions littéraires, Hypérion devenant par exemple un livret d'opéra, et le narrateur, dissimulé derrière des statues dans un parc, remarquant qu'il n'était pas tout à fait minuit dans le « jardin du Bien et du Mal »… L'ensemble se lit sans déplaisir, l'intrigue se déroulant de façon alerte et vivante, mais on ne peut s'empêcher de penser que le roman manquerait singulièrement d'originalité si ces clins d'œil très référencés ne lui sauvaient pas la mise en plaçant d'emblée le roman au rang des distractions à lire au second degré. Quoiqu'il en soit, voici un bien curieux choix éditorial pour la très vénérable collection « Ailleurs & demain », collection qui, rappelons-le, s'apprête à célébrer ses quarante ans.