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Les critiques de Bifrost

En approchant de la fin

Andrew WEINER
LE BÉLIAL'
228pp - 12,00 €

Critique parue en octobre 2000 dans Bifrost n° 20

Nous avons le monde de bien­tôt, demain, 2012. Un monde à la dérive, explosant, mourant, « totalitarisant », ainsi que nous le dit le titre : approchant de la fin. Et nous avons Martha Nova, la plus grande rock-star de tous les temps, messie apocalyptique malgré elle. Car les chansons de Martha Nova révèlent le futur, nous aident à assumer le fait que tout sera fini bientôt. Et puis il y a l'histoire de cet homme et de son mystère, ce qu'il a trouvé sur Mars, et cet enfant démiurge, le fils de Martha, surdoué mâtiné d'autiste qui attend son heure… Et Abe Levett, et Robert Duke, et ce personnage mystérieux qui apparaît çà et là pour tirer les fils de ces destins croisés et les mener jusqu'à leur achèvement, une fin inéluctable à moins que ce soit le début de quelque chose de neuf…

Depuis la publication de deux recueils en langue française et d'un nombre de nou­velles non négligeable sur divers supports (tous chez « Bifrost/ Étoiles Vives »), on sait d'Andrew Weiner qu'il est un nouvelliste tout à fait remarquable, notamment friand d'ex­traterrestres facétieux dans la droite ligne d'un Brown ou d'un Sheckley. Avec En Approchant de la fin (premier roman de l'auteur publié en France et inédit en anglais !), on le découvre romancier accompli. Pour­tant, si les nouvelles de Weiner s'inscrivent généralement dans une tradition SF marquée et fréquemment portée sur l'humour, ce roman surprend et dénote tant il apparaît personnel et difficile à rattacher à une quel­conque manière, un quelconque courant science-fictif. Dans le dossier que lui consa­crait l'anthologie périodique Étoiles Vives (numéro 6), Weiner racontait pourquoi ce roman demeurait inédit en anglais, comment les éditeurs de SF lui expliquaient qu'En Approchant de la fin n'était pas, justement, de la SF et comment les éditeurs mainstream lui rétorquaient, au contraire, que c'en était. Des propos qui prennent tout leur sens à la lecture du dit roman. Car voici bien un bouquin surprenant, tant du fait d'une cons­truction inhabituelle (flashes-back perpé­tuels et lignes narratives croisées) que, on l'a dit, d'une tutelle de genre — notamment par son traitement — difficile à déterminer (SF, mainstream, fantastique même). Jusqu'au ton du livre, tout en nuances, très distancié, qui participe puissamment à son particula­risme. Bien sûr, on y retrouve malgré tout certains des éléments récurrents de l'œuvre de Weiner : le milieu du rock, les thèmes de la créativité, de l'aliénation, de l'étranger. Reste qu'il y a un sacré delta entre ce roman et la plupart de ses nouvelles.

Qu'un livre soit difficile à classer et sur­prenant ne signifie pas toujours qu'il soit bon. Et pourtant. On ressort de la lecture d'En Approchant de la fin sous le charme de son étrange musique, totalement habité par l'histoire, convaincu qu'on vient de lire un fort bon et beau livre. Un plaisir rare, un particularisme dont on ferait bien une habitude. À découvrir d'urgence.

Olivier GIRARD

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