Nalo HOPKINSON
GOATER
14,00 €
Critique parue en juillet 2019 dans Bifrost n° 95
Après Norman Spinrad et Cory Doctorow, les éditions Goater poursuivent leurs traductions de la série « Outspoken Authors » de Terry Bisson avec ce troisième volume consacré à Nalo Hopkinson, une écrivaine dont on avait pu lire au début du siècle le très original premier roman, La Ronde des esprits (J’ai Lu « Millénaires », 2001), histoire de magie vaudou dans une ville de Toronto qui a sombré dans le chaos, puis plus grand-chose hormis deux nouvelles dans Galaxies première série (numéros 27 et 35). Outre la traditionnelle interview par Bisson lui-même, le recueil propose deux nouvelles et la transcription d’un discours donné à l’International Association for the Fantastic in the Arts en 2009. Une intervention qui fit grand bruit à l’époque, et qui prolongeait le débat initié l’année précédente sur la place des auteurs et amateurs de SF noirs dans le fandom américain. Un texte intéressant et pertinent, qui, dix ans plus tard, continue de faire sens dans une période où la science-fiction américaine s’ouvre progressivement à de nouvelles voix, et dont en France nous commençons à peine à percevoir les premiers échos.
Dans le prolongement de ce discours, « Métamorphoses », revisite La Tempête de Shakespeare en redistribuant les cartes des protagonistes et en interrogeant les préjugés raciaux de chacun d’eux et ses relations aux autres. Nalo Hopkinson a parfois la main un peu lourde lorsqu’il s’agit de mettre les points sur les « i », mais le texte est dans l’ensemble assez réussi, même s’il nécessite un minimum de connaissances de l’œuvre originale. Dans un registre très différent, « Une Bouteille à la mer » s’intéresse à la question de la parentalité et nous donne à voir une enfant singulière, pour ne pas dire étrangère… Une nouvelle assez étonnante, intimiste dans le ton et inattendue dans ses développements. Signalons enfin la traduction impeccable signée Nardjès Benkhadda, ce dont ne bénéficiaient malheureusement pas les tomes précédents. On conseillera donc sans réserve la lecture d’En Direct de la planète Minuit, en espérant ne pas avoir à attendre quinze ans avant de relire Nalo Hopkinson en France.