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Les critiques de Bifrost

En quête d'éternité

En quête d'éternité

Greg BEAR
POCKET
512pp - 9,50 €

Bifrost n° 38

Critique parue en avril 2005 dans Bifrost n° 38

Les milliardaires acceptent volontiers de financer des recherches en biologie sur la longévité et, pourquoi pas, l'immortalité. Hal Cousins est de ces chercheurs. Il veut examiner les microorganismes les plus anciens, avant que les mitochondries ne soient intégrées aux appareils cellulaires des êtres vivants. Il voit dans la collaboration entre les êtres vivants et les bactéries qui les ont infectés avant de s'y intégrer dans un réciproque intérêt la cause du vieillissement puis de la mort.

Certains ne voient pas ces recherches d'un bon œil. S'il échappe de justesse à un sort funeste, Cousins ne s'en trouve pas moins mis sur la touche et son labo détruit. Les diverses tentatives de meurtres auxquelles il échappe sont pour le moins curieuses. Il semble qu'absolument n'importe qui cherche à l'occire. C'est alors qu'il rencontre Banning, un historien déchu qui a un jour subitement viré antisémite et, ce faisant, s'est discrédité. Banning lui remet des papiers de son frère, Rob, lui aussi étrangement assassiné.

Rob, également biologiste, a découvert qu'en Russie, dès les années 30, un biologiste juif, Maxim Golokhov, et sa femme Irina, ont mené les mêmes recherches qu'eux. Or, ce même champ de recherches bactériologiques a débouché sur une possibilité de contrôle très poussée du comportement par contamination bactérienne. Possibilité qui a tout pour séduire Béria, l'âme damnée de Staline, chef de la police secrète du régime qui épargnera aux Golokhov le sort des biologistes soviétiques ne sacrifiant pas au dogme imposé par Lyssenko. Sous Staline, Golokhov met sur pied Silk, une organisation qui travaille au contrôle social. Après la mort du Petit Père des Peuples et l'exécution de Béria au début des années 50, Silk passe à l'Ouest.

En fait, Silk n'est nullement assujetti à une quelconque idéologie. Silk tourne avant tout pour lui-même, selon la vision du monde de Golokhov. Et Silk voit d'un mauvais œil Hal Cousins venir empiéter sur ses plates-bandes…

Greg Bear est sans conteste l'un des meilleurs écrivains actuels de S-F ; on peut lire L'Echelle de Darwin, qui vient de ressortir au Livre de poche, pour s'en convaincre. Mais écrire de la hard science est une chose ; écrire un thriller en est une autre et n'est pas Michael Crichton qui veut. Pas même Greg Bear. Surtout pas Greg Bear. En quête d'éternité est un thriller à 2 de tension. Bear a rassemblé la matière d'un somptueux thriller paranoïaque et a complètement échoué dans sa mise en œuvre. C'est pataud. Pataud et compliqué. Or, l'art du thriller consiste à rendre limpide un montage complexe ; c'est nécessaire à l'accroissement de la tension. Rien à faire. La mayonnaise ne prend pas.

Reste que l'histoire est intéressante. Que l'auteur tente avec un certain succès de mettre en scène le super-complot avec un minimum de crédibilité scientifique. Bear n'est pas ici à son mieux, mais, s'il n'est pas à privilégier, En quête d'éternité n'est pas pour autant à éviter.

Jean-Pierre LION

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