Trevor SHANE
MICHEL LAFON
350pp - 19,95 €
Critique parue en janvier 2013 dans Bifrost n° 69
Pour une fois, la quatrième de couverture (on s’en rendra compte en refermant le livre) sonne assez juste : « Depuis des siècles, une guerre souterraine, ignorée du commun des mortels, oppose deux clans qui se déchirent au nom du Bien et du Mal. Des deux côtés, des assassins endoctrinés et entraînés dès leur enfance à haïr et à détruire le camp adverse. » Plutôt attirant. On a envie d’en savoir plus. Alors, passé le cap du design de couverture pour le moins hypnotique tant il est créatif et touche à quelque chose de l’ordre de la sublimation, on s’attaque au texte. Et c’est plutôt réussi. Joe est un soldat du Bien (?), un tueur qui exécute des contrats pour éliminer des membres du clan adverse. Et dans son métier, Joe est bon, excellent, même, identifié comme un haut potentiel par sa hiérarchie. Mais il y a des règles à respecter : 1. on ne tue pas les innocents ; 2. on ne tue pas les ennemis de moins de 18 ans ; 3. on ne vous le dira pas, sans quoi l’intrigue est flinguée ! C’est sous la plume de Joe, au travers de son journal intime, que nous découvrons les aléas de cette guerre, l’histoire de ses soldats, les doutes et incertitudes des protagonistes, et bien sûr la découverte de l’amour pour notre héros. Ohhhh !
Pour un premier roman, Trevor Shane livre ici un texte plutôt riche et bien rythmé. Difficile de lâcher le bouquin tant on veut comprendre cette guerre apparemment sans fondement et plutôt absurde. On espère donc vivement que le second tome nous éclairera un peu plus sur les origines et motivations du conflit, tant l’auteur aura été avare d’explications dans cet opus initial. Au final, un bon roman aux personnages bien campés et attachants, même si l’ouvrage n’est pas exempt de défauts. Le plus révélateur : l’auteur a la fâcheuse habitude d’annoncer à l’avance ce qui se produira dans la suite de son intrigue. Ainsi : « Tu as intérêt à pas le laisser tomber (…) Ni Jared ni moi ne pouvions savoir que je laisserais salement tomber Michael. » Ce qui ne manque pas d’arriver, donc, quelques pages plus loin… La première partie du roman est truffée de cette technique narrative surement empruntée aux ateliers d’écriture « Colombo ». Une vraie fausse bonne idée pour rendre le lecteur complice ou le tenir en haleine. Sauf que voilà, on ne veut pas savoir, on veut découvrir, être bousculé, étonné. Bref, c’est dommage et cela rend, à la longue, la lecture un peu poussive et un brin agaçante ; défaut qu’on mettra, en bonne pâte que nous sommes, sur le compte des maladresses d’un auteur encore en quête de technique…
Demeure un texte au final assez intéressant et bien ficelé pour qu’on attende la parution de sa suite avec une réelle envie.