Camille LEBOULANGER
L'ATALANTE
183pp - 12,90 €
Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64
Un 23 janvier, la nuit disparaît. Du moins en France. Ailleurs, on ne sait guère. Le ciel se teinte d’un jaune éblouissant et l’hiver est aboli par tant d’ensoleillement. Quant aux gens, les voici déboussolés. Les uns meurent, les autres fuient — mais pour aller où ? Fuir et tout abandonner derrière lui, c’est ce que fait Thomas, un policier. Au cours de son errance, il rencontre Sophie, une ado de seize ans avec qui il poursuit sa route, jusqu’à une gare où des gens désœuvrés attendent un train. D’où vient le train ? Pour aller où ? Viendra-t-il seulement ? Personne ne le sait ; tout le monde attend. Par la suite, Thomas poursuit seul son chemin dans des paysages désolés, jusqu’à rencontrer Etienne, un autre flic qui a aimé une autre Sophie…
De Camille Leboulanger, tout jeune auteur, on a pu lire « 78 ans » dans l’anthologie Ceux qui nous veulent du bien (chez la Volte), une nouvelle qui brille par… pas grand-chose. Son insignifiance, peut-être, qui donnait peu d’attentes sur ce court et premier roman.
Enfin la nuit ne s’attarde guère sur le phénomène à l’origine de l’intrigue. Quelques hypothèses sont vaguement évoquées, et c’est tout. Que la nuit cesse est une chose pour laquelle on peut bien suspendre son incrédulité, pour peu que les conséquences du phénomène soient correctement exploitées. Ici, on se demande bien pourquoi ce jour éternel provoque une telle mortalité en France, pourquoi l’électricité cesse de fonctionner quasiment partout, pourquoi la faune et la flore sont moins affectées que les humains. Cette légèreté dans le traitement de ce qui est quand même qualifié de « fin du monde » déçoit autant qu’elle agace.
De toute évidence, l’intérêt se situe davantage du côté des personnages, des êtres que la vie bosselle mais pour lesquels on pourra avoir quelque difficulté à éprouver de l’empathie. Seule la mort de Sophie amène un bref sursaut d’émotion, car aussi brutale qu’inattendue. Pour le reste, le détachement du lecteur vis-à-vis de Thomas est le même que celui de Thomas par rapport au monde. Et puis il y a Etienne, l’alter ego de Thomas, que l’on aperçoit sporadiquement dans des chapitres narrés à la première personne et dont on ne saisit guère l’apport à l’histoire. Dédoublement de personnalité ? Même pas. Et ce qui aurait pu être un enjeu narratif (la rencontre des deux hommes) tombe à plat. De fait, Enfin la nuit manque cruellement d’horizon d’attente : le jour perpétuel n’est pas assez pesant pour que l’on souhaite avec ardeur le retour de la nuit.
Enfin la nuit n’est pas sans faire penser à La Route de Cormac McCarthy. Quoiqu’ici on se situe plutôt sur un chemin de campagne, chemin qui ne mène pas aussi loin que souhaité. A vrai dire, on se demande quelle était la destination proposée par l’auteur. Néanmoins, la balade n’est pas désagréable à lire, avec une écriture volontiers cynique et faisant la part belle à l’humour noir et aux formules qui font mouche. Au final, on peut se montrer curieux de savoir ce que ce jeune auteur proposera par la suite, en espérant que le résultat s’avère davantage abouti.