Orson Scott CARD
L'ATALANTE
352pp - 19,90 €
Critique parue en octobre 2015 dans Bifrost n° 80
Le Burland est un pays de magie sur lequel règne un roi inique. Jusqu’au jour où un envoyé de Dieu, l’une des trois puissances qui se partagent ce monde avec le principe masculin du Cerf et celui, féminin, des Douces Sœurs, fait à Palicrovol une prophétie. Celui-ci entre alors en rébellion, finit par s’emparer du trône du tyran, qu’il assassine, et dont il épouse la fille en la violant publiquement, histoire de légitimer sa couronne en « vertu » des traditions locales. Le nouveau souverain, magnanime, ne fait pas tuer la princesse bien que tous l’y exhortent, se contentant de la bannir sous la garde du magicien Sleeve.
Les chiens ne faisant pas des chats, elle va se venger de la plus implacable manière. Sacrifiant sa propre fille — fruit de l’étreinte forcée —, elle s’octroie une magie si puissante qu’elle lui permet d’entraver les divinités de ce monde afin d’y régner sans partage. Trois cents années durant, elle n’aura de cesse d’assouvir sa vengeance encore et encore ; tant sur Palicrovol lui-même que sur ses proches, dont la princesse des fleurs, que Palicrovol devait épouser et dont la magicienne usurpera le corps. Le magicien Sleeve, l’épouse promise et un général devenant ainsi les souffre-douleurs de la nouvelle reine Beauté, tandis que le roi est chassé d’Inwit, la capitale. Mais ce qui reste de magie libre en ce monde va permettre au Cerf de donner un fils à Palicrovol : Orem, Hanches Maigres, qui deviendra le Petit Roi quand Beauté l’épousera sans être au fait de son ascendance…
Je vais le répéter une fois encore : Orson Scott Card est l’un des tout meilleurs conteurs des littératures de l’Imaginaire, et il le prouve ici à nouveau. Espoir-du-Cerf n’est un roman spéculatif en rien. On n’y trouve aucun renvoi à l’univers du lecteur. Il s’agit d’une histoire intemporelle sur les relations entre les gens, un récit d’amour, de vengeance, de pouvoir, porteur d’une réflexion sur la paternité.
Ce roman est donc l’histoire d’Orem, de Beauté et de Palicrovol lui-même contée par l’un des protagonistes dont l’identité ne vous sera révélée que tout à la fin. Le roman se découpe en trois parties de manière informelle. La première consacrée aux événements qui président à la naissance d’Orem ; la deuxième portant sur la jeunesse d’Orem, alors devenu Hanches Maigres ; la dernière sur sa vie au palais après qu’il a épousé Beauté. Bien des événements de la deuxième partie ne sont que de peu d’importance, mais Card raconte si bien que s’ils venaient à manquer, ils feraient défaut.
Espoir-du-Cerf est un conte cruel et magnifique qui saura ravir les amateurs du « Trône de Fer », mais le roman de Card s’apprécie comme une peinture là où l’œuvre de Martin se goûte telle une photo. On y retrouve le thème favori de l’auteur pour l’enfance confrontée à l’univers des adultes qu’il leur faut maîtriser ; l’éducation, le devenir de l’être qui ainsi survient dans un monde déjà occupé, sur ce qu’il devient et comment. La destinée vécue comme une réponse aux circonstances initiales. Cette réédition, joliment illustrée chez le principal éditeur de Card, plus de trente ans après sa parution initiale française chez Denoël, vient à point nommé.