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Les critiques de Bifrost

Et l'homme créa un dieu/Prélude à Dune

Et l'homme créa un dieu/Prélude à Dune

Frank HERBERT
POCKET
248pp - 6,40 €

Bifrost n° 63

Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63

Dans un futur lointain, l’univers se remet tout juste de la guerre des Marches, qui a laissé exsangues un certain nombre de planètes. Un nouveau conflit serait catastrophique. Lewis Orne est employé à la Redécouverte et Rééducation ; il est envoyé sur certains mondes isolés pour vérifier si les germes de la guerre ne s’y sont pas implantés. Un jour, il est contacté puis recruté par un autre service, Investigation-Normalisation, qui fait la guéguerre au R.R. Ses facultés assez impressionnantes de déduction et d’organisation vont lui valoir une promotion… jusqu’au moment où il passe tout près de la mort lors d’une mission. Cette expérience traumatisante va le transfigurer : désormais, il sent que son destin est particulier. Serait-il un foyer psi, autrement dit… un dieu ? C’est ce qu’il va tenter de découvrir sur la planète Amel, où les Prêtres ont lancé une expérience inédite : fabriquer un dieu.

Ce roman a été abusivement vendu en France avec le sous-titre « Prélude à Dune », histoire de surfer sur l’œuvre la plus connue de Frank Herbert. Il n’a en effet rien à voir dans l’intrigue avec la saga de la famille Muad’Dib, et fut en outre publié après les premiers tomes de celle-ci (en 1972). Il s’intéresse néanmoins à un certain nombre de thèmes que l’on retrouve dans Dune, à commencer bien sûr par la no-tion de divinité et de religion. Avec comme idée directrice qu’un homme au départ sans caractéristique particulière, tel Orne, peut in fine prétendre au statut de dieu, pour peu qu’il passe par des étapes (physiques et psychiques) qui le transfigurent et lui permettent de s’affranchir peu à peu des lois physiques qui régissent l’univers. Ce motif central s’enrichit d’autres composantes herbertiennes typiques (le matriarcat qui rappelle bien évidemment le Bene Gesserit ; les interrogations sur la guerre et la limite jusqu’à laquelle on peut aller pour s’en préserver ; la politique…) qui, en interagissant, confèrent une thématique très riche à ce roman. En outre, la propension d’Orne à analyser à tout moment les épreuves qu’il traverse agit en contrepoint intéressant : à la mystique s’oppose la rationalisation.

Cette densité ne suffit néanmoins pas à faire de Et l’homme créa un dieu un livre satisfaisant. La faute tout d’abord à sa construction : il s’agit d’un fix-up de quatre textes publiés précédemment dans Astounding (entre 1958 et 1960), et cela se sent. Les raccords entre les nouvelles sont trop visibles, nuisent au rythme du roman, et la dernière partie, la plus longue (correspondant à la nouvelle « Les Prêtres du Psi »), tranche trop par rapport à celles qui précèdent. De plus, certains passages sont assez obscurs et elliptiques, voire arides ; on se prend parfois à bailler alors que ce livre fait à peine deux cents pages ! C’est donc une semi-déception, car avec un travail de lissage convenable, ce curieux roman aurait pu prendre naturellement sa place entre Dune, Le Programme Conscience et le Bureau des sabotages. En l’état, Et l’homme créa un dieu contient de nombreuses pistes de réflexion assez passionnantes et stimulantes, mais reste une sorte de Sélection du Reader’s Digest de l’œuvre de son auteur.

Bruno PARA

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