La civilisation humaine a été (presque) anéantie par un virus d’une rare virulence. Les survivants vivent rassemblés au milieu de nulle part dans la cité-bulle, contrôlée par un « ordinateur central omnipotent » : le Processeur. Un jour, le Processeur s’arrête, provoquant une vague sans précédent de stupeur (surtout) et de panique (un peu). Un arrêt inexpliqué, que l’on va suivre (ainsi que ses conséquences) grâce à trois personnages points de vue : Sean le DJ, Ange la fliquette de service, et Gina, l’informaticienne. Trois personnages assez insupportables, chacun dans son genre, ce qui rend la lecture plutôt « vivante » et parfois même prenante.
Eternity Incorporated est un drôle de premier roman, un projet des années 50 (l’ordinateur urbain omnipotent/omniscient) qui a traversé le fleuve du temps à guet, un pied sur Robert Heinlein, un pied sur L’Âge de cristal, un pied sur Zardoz, un pied sur William Gibson, et le long saut final à partir de la trilogie Matrix. Si l’ensemble est plutôt agréable à lire (malgré une triple narration à la première personne qui n’est pas sans écueil), on reconnaîtra sans peine qu’on n’y croit jamais et qu’il est particulièrement difficile de partager le destin de cette humanité réduite ayant oublié le principe de redondance.
Sans doute conscient que son projet ne pouvait être mené à terme en gardant la même thématique obsolète et le même principe de narration, l’auteur bifurque sur la fin dans une direction aussi inattendue que peu convaincante, au risque de perdre bon nombre des lecteurs qui l’avaient accompagné jusque-là.
Raphaël Granier de Cassagnac (qui a plutôt un nom à écrire des romans de vampire, avec poudre rose sur les joues et dentelles aux poignets) arbore pas mal de cartouches à sa ceinture, aucun doute là-dessus ; espérons que pour son second roman, il pensera à charger à fond son pistolet et mettra toutes les balles dans la cible