La perfection est-elle de ce monde ? En space opera, oui, et elle a pour nom LoisMcMaster Bujold. Sans être transcendant, ce nouveau roman (de 1986…) démontre la parfaite maîtrise de l'intrigue, de la psychologie du personnage, de l'humour, du message, de l'extrapolation scientifique et simplement de l'écriture. C'est simple, c'est clair, c'est distrayant, prenant et tolérant.
Ethan d'Athos, contrairement à ce qu’affirme l'éditeur (une fois de plus…) fait partie intégrante du cycle de Miles Vorkosigan (Barrayar). En effet, je ne vois comment un lecteur qui n'aurait pas lu un roman mettant en scène les aventures de ce nain qui voulait être un grand militaire, pourrait comprendre l'échange de répliques suivant : « Oh… je vois. C'est à cause de ça — Un seul mot sur ça et j'organise pour vous un accident que même l'esprit malade d'Okita n'aurait pas pu imaginer. » (p. 163). De même, Quinn, sorte de James Bond au féminin dans cet épisode, n’est autre que la jeune mercenaire défigurée dans L'apprentissage du guerrier, à laquelle Miles offrait une régénération faciale. Bref et une fois pour toutes : Ethan d’Athos s'intègre totalement dans le cycle de Miles Vorkosigan. Point.
Le marivaudage est un des leviers principaux des romans de Bujold : jouer sur les attirances, les répulsions, les perversions sexuelles sont aussi bien l'occasion d'un feu d’artifices de bons mots et de situations hilarantes que d'abîmes psychologiques douloureux, tragiques, voire pénibles. On se souviendra pour l'exemple des scènes de torture du frère jumeau de Miles (La danse du miroir). Dans Ethan d’Athos, Bujold s'attaque front à l'homophobie de ses protagonistes — et du lecteur en prenant pour héros le représentant jeune et naïf d'une culture monosexuelle utopiste. En effet, Ethan est un médecin accoucheur génétiquement parfait. Accoucheur, ça signifie sur Athos : suivre depuis la fécondation de l’œuf la gestation du fœtus dans ce qu'il est usage d'appeler une « culture ovarienne ». Parce que sur Athos, les femmes n'existent pas Elles sont tabous, interdites, physiquement et même en image. C'est dire la peur quasi panique d'Ethan à l'idée d'en rencontrer une, lorsqu'il est chargé par son peuple de racheter un lot de cultures ovariennes pour remplacer celles qui s'épuisent, chez lui, depuis deux cents ans. Il va non seulement fréquenter assidûment et bien malgré lui la superbe mercenaire Eli Quinn, mais aussi tomber de Charybde en Scylla au fil d'une sombre histoire de manipulations génétiques.
Brillant, tirant totalement partie de ses décors (une station spatiale) et de ses prémisses scientifiques (la génération artificielle d'êtres humains) pour orchestrer une action sans temps mort ni remplissage, Bujold signe avec Ethan d'Athos un lumineux modèle de space opera d'action.