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Les critiques de Bifrost

Étoiles rouges. La littérature de science-fiction soviétique

Patrice LAJOYE, Viktoriya LAJOYE
PIRANHA
320pp - 26,50 €

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Spécialistes des littératures de l’Imaginaire des pays de l’Est, Viktoriya et Patrice Lajoye œuvrent depuis des années à leur diffusion en France, qu’il s’agisse d’auteurs classiques (la réédition des frères Strougatski dans la collection « Lunes d’encre » de Denoël puis au sein de leur propre structure, Lingva) ou modernes (Henry Lion Oldie, chez Mnémos et Lingva — on se souvient de la critique de La Malédiction dans notre précédent numéro). Les voici maintenant sur le terrain théorique, avec le présent Étoiles rouges. De fait, les dernières études majeures sur la SF soviétique remontent à 1979, avec les thèses de Leonid Heller et Jacqueline Lahana : il s’est passé pas mal de choses depuis, à commencer par l’effondrement de l’URSS.

Étoiles rouges brosse ainsi un siècle d’histoire de la SF soviétique, des débuts jusqu’à 1991, ses prémices et son héritage. Une histoire mouvementée, qui épouse les soubresauts politiques : un premier âge d’or courant de la révolution d’Octobre à la période stalinienne ; une régression sous l’égide de Staline, le réalisme socialiste n’allant pas forcément de pair avec les perspectives cosmiques ; un second âge d’or sous Khrouchtchev, une lente stagnation sous Brejnev, puis les frémissements d’un nouvel essor dans les années 80. Domaine littéraire relativement méconnu de ce côté-ci du Rideau de Fer, au-delà des fameux frères Strougatski (auxquels tout un chapitre est dédié et que l’on retrouve ensuite de loin en loin), la science-fiction soviétique a alterné entre soumission à l’idéologie et dissidence, abordant les tropes du genre avec un regard autre. Si quelques romans et nouvelles sont parvenus en France via les éditions subventionnées ou les collections dédiées (« SF soviétique » au Fleuve Noir, par exemple), l’ouvrage des Lajoye nous fait découvrir, via un guide de lecture commenté, un monde d’une richesse insoupçonnée, pas toujours inféodé au régime et bien différent de sa contrepartie américaine.

Pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’histoire de la SF, Étoiles rouges s’avère donc d’une lecture passionnante – cet essai se dévore comme un roman. Et joliment illustré par un cahier iconographique couleur ! Si la présente publication n’a pas vocation à remplacer les thèses de Heller et Lahana, elle constitue toutefois une indispensable mise à jour, de même qu’une excellente introduction à la défunte SF soviétique – de quoi franchir l’écueil que constitue le prix de l’ouvrage un brin excessif…

Erwann PERCHOC

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